Ascension du Kilimanjaro : "C'est mon œil, mon bâton de pèlerin"
"L'aventura, c'est la vie que je mène avec toi. L'aventura, c'est mes mains qui se posent sur toi "... Le refrain de Stone et Sharden aux lèvres, des pierres qui roulent sous la semelle, Jean-Christian a effectivement sa paume posée sur l'épaule de Laurence, son accompagnatrice.
Concentrée, celle-ci égrenne : "marche de 20 [cm] ", "racine ", "ornière ". Chaque irrégularité du chemin est un piège potentiel pour Jean-Christian, dont la vue est quasiment réduite à néant. Laurence, "c'est mon œil, c'est mon bâton de pèlerin " souffle-t-il entre deux enjambées. Une éclaireuse vigilante, qui ne peut pas éviter que le sexagénaire trébuche de temps à autre ou se torde la jambe.
Au fil des kilomètres, les techniques de guidages s'affinent toutefois, la complicité grandit, les encouragements réciproques portent leurs fruits. "Tu veux une barre de céréales ? " propose avec insistance Jean-Christian, avant de justifier en pouffant : "Si elle claque, c'est fini pour moi ".
Humour et franc-parler. Ce sont les deux qualités qui ont poussé Alain à se choisir Pascal comme binôme. Camarade de lycée, "c'est le seul véritable ancien ami que j'ai conservé durant toutes ces années de galère et de souffrance ", confie Alain, affecté par une cécité partielle depuis maintenant douze ans. "Quand on déclare une maladie invalidante, ça fait un tri énorme autour de ceux que l'on pourrait appeler 'amis' ". Avec Pascal, Alain est certain de se marrer et de ne pas se laisser aller. "Il est suffisamment dur pour me secouer quand nécessaire ". Pascal abonde : "Je ne le vois pas avec son handicap, c'est mon ami, je le vois comme ça. C'est pour cela qu'il dit que je ne suis pas très indulgent avec lui ". Ce qui n'empêche pas Pascal de faire les tartines d'Alain à chaque petit-déjeuner.
Une technique pragmatique entre les deux hommes
Entre Joseph et Jérémy, la complicité est plus récente, pas moins intense. Du matin au soir, ils se tiennent au moins une main. Pour communiquer en langue des signes tactile. Pas facile toutefois de le faire tout en marchant, pour donner des indications sur la nature du chemin. Joseph et Jérémy ont donc adopté une technique pragmatique. Quand le sentier se corse, l'accompagnateur met les mains dans son dos, celui qu'il guide les attrape. "Si je resserre mes bras c'est que le chemin rétrécit ", explique Jérémy. "Si je secoue les mains, c'est qu'il va y avoir des pierres instables. Mais j'avoue que quand on randonne, on ne parle pas de Schopenhauer. "
Les discussions attendent les pauses ou le soir, lorsque Joseph "dicte " à Jérémy son carnet de route. Avec une étape difficile aujourd'hui. "J'ai été pris de chaleurs et j'ai même vomi ", indiquent les mouvements de Joseph. "Mais j'ai beaucoup donné de moi-même. Nous sommes arrivés au refuge, où je me suis écroulé. J'étais crevé. "
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