Immigration : en transférant un premier groupe de migrants vers l'Albanie, l'Italie oscille entre critiques et inspiration

Un premier groupe de migrants expulsés d'Italie doit arriver mercredi en Albanie, en application de l'accord controversé mis en place par Giorgia Meloni. Une première en Europe.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Les préfabriqués d'un centre d'accueil de migrants en Albanie, en octobre 2024. (ADNAN BECI / AFP)

Seize hommes originaires d'Égypte et du Bangladesh, secourus, dimanche 13 octobre, en mer par les autorités italiennes, dormiront mercredi 16 octobre en Albanie, dans les préfabriqués entourés de grillages d'un camp de rétention avant leur probable expulsion. Cet accord de sous-traitance a été signé pour cinq ans et si l'Italie a choisi l'Albanie, qui n'est pas encore dans l'Union européenne, c'est parce que les deux pays ont gardé des liens économiques et culturels très forts.

Ces hommes sont les premiers concernés et à terme les centres albanais pourront accueillir 3 000 personnes. C'est "une voie nouvelle, courageuse" se félicitait, mardi 15 octobre devant les sénateurs, la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, patronne du parti d’extrême droite Fratelli d'Italia. L'Italie, dit-elle, "montre l'exemple".

Pour les ONG d'aide aux migrants, cette externalisation des demandes d'asile est "coûteuse, cruelle, contre-productive", mais les Européens pourraient être séduits. À commencer par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui juste avant le sommet des chefs d'État des 17 et 18 octobre à Bruxelles, acte son virage à droite. Dans une lettre aux 27, elle appelle à tirer les "leçons" de l'accord entre Rome et Tirana.

Aujourd'hui, dans l'Union européenne, moins de 20% des décisions d’expulsion sont suivies d’effets. Les accords récents avec la Tunisie, l’Égypte ou la Libye ne sont pas suffisants. "Il faut une nouvelle loi", dit la cheffe de l'exécutif européen, pour permettre le transfert et la détention des migrants en situation irrégulière dans des "hubs" situés hors Europe. Elle appelle ça "rationaliser le processus de retour".

S'attaquer à la directive retour

Il y a quelques années, ce genre de proposition était inimaginable. En 2018 la même Commission avait condamné le projet britannique de "délocalisation" au Rwanda qui finalement n'a pas abouti. Cependant, l’échiquier politique s'est déplacé vers la droite et les partis nationalistes sont sortis renforcés des élections européennes.

Les États eux-mêmes font pression pour aller plus loin que le pacte sur l'asile et l'immigration, qui n'est même pas encore entré en vigueur. Chez elle, la Pologne veut suspendre provisoirement le droit d’asile, l’Allemagne a déjà réintroduit les contrôles à ses frontières, et en France l'exécutif réclame une nouvelle loi immigration.

Au niveau européen, l'idée est de s'attaquer à la directive retour qui date de 2008 et qui est désormais jugée beaucoup trop laxiste. Elle dit, par exemple, que le placement en rétention ne peut intervenir qu’en "dernier ressort". Une précédente tentative de modification avait été entravée par les eurodéputés et les ONG qui y voyaient une atteinte aux droits des migrants. Cette fois-ci, la dynamique globale de surenchère sur tout le continent offre un contexte bien plus favorable.

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