Environnement : un climatologue se dit menacé de licenciement pour refuser de prendre l'avion
Le climatologue Gianluca Grimalda vient de passer six mois en Papouasie-Nouvelle-Guinée, un des pays au monde les plus menacés par le changement climatique. Son travail de chercheur sur le terrain, dans une région autonome de l'île de Bougainville, devait se terminer à la fin du mois de juillet, mais il a duré 45 jours de plus, car il a été pris en otage, par d'ex-combattants du conflit civil qui opposaient les gouvernementaux à une armée révolutionnaire.
Un globe-trotter aux déplacements écolos
Ces combattants locaux voulaient une rançon, et il lui a fallu du temps pour établir la confiance avec les communautés locales et s'en sortir. "J’aurais pu rentrer chez moi à la première menace mais je ne l’ai jamais envisagé", dit-il. Grâce au travail ambitieux de ce scientifique, 1 800 habitants de 30 villages ont participé à ses travaux de recherche. Un résultat dont Gianluca Grimalda devrait se réjouir. Mais il se dit aujourd'hui "triste", car il risque d'être licencié.
En effet, cette aventure a retardé son retour et son institut de recherche, l'institut de Kiel pour l'économie mondiale, lui a posé un ultimatum vendredi 29 septembre : rentrer en Allemagne dans les trois jours, pour être à son bureau le lundi matin. Or pour cela il aurait fallu que le chercheur prenne l’avion, en émettant avec le vol quatre tonnes de CO2, dix fois plus que s'il était rentré par terre et mer, en prenant des cargos, des ferries et des trains, comme il l'a fait à l'aller.
Gianluca Grimalda a donc décidé de désobéir et risque donc d'être licencié, malgré le soutien affiché par d’autres chercheurs membres du GIEC en sa faveur. Ces derniers accusent son employeur en Allemagne de vouloir le pénaliser pour sa participation au mouvement des scientifiques en rébellion, des scientifiques de toutes les disciplines et de tous les pays qui se mobilisent contre l’inaction face au dérèglement climatique.
Un employé heureux mais un militant prêt au sacrifice
Car comme il l'explique, rien n’exige sa présence en Allemagne : "Je passe la plupart de mes journées de travail seul à mon bureau et il n’y a rien que je ne puisse faire à bord d’un bateau ou d’un train, explique-t-il. J’ai même proposé de prendre un congé sans solde pour la durée du voyage". Mais rien à faire. Le voilà donc au pied du mur, confronté à ce dilemme : garder son emploi en reniant ses principes, ou perdre son emploi en y restant fidèle.
"En tant que scientifique, j’estime avoir la responsabilité d’être proactif et de tirer la sonnette d’alarme même si des milliers, de protestations sont déjà restées lettre morte", explique Gianluca Grimalda. Il sait que la plupart des gens auraient avalé la pilule amère et pris cet avion, car son contrat est "fantastique", son salaire élevé, près de 4 000 euros par mois, et il a 30 jours de vacances par an.
"Mais alors que nous avons dépassé six des neuf limites planétaires [différents seuils à ne pas dépasser pour préserver les écosystèmes], alors que plusieurs écosystèmes sont proches de l’effondrement, je me dois d’appliquer cette morale : si une action est mauvaise, elle ne doit pas être poursuivie. Peut-être que cela signifiera renoncer à la chose que j’aime le plus dans ma vie, faire de la recherche mais je suis prêt à payer ce prix".
Et de citer le philosophe grec Philolaos qui disait : "Certaines pensées sont plus fortes que nous". Gianluca Grimalda poursuit ainsi : "La pensée de la perte possible de la civilisation telle que nous la connaissons est assez forte pour moi. Alors je ne monterai pas dans cet avion. Ce sera mon acte d’amour envers les générations actuelles et futures, envers les espèces animales menacées d’extinction, envers l’idée d’humanité."
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