Journée mondiale de l’hygiène menstruelle : dix ans après l'instauration, les tabous perdurent !

Entre quotidien douloureux et précarité économique, les non-dits restent encore nombreux concernant les règles.
Article rédigé par Marie Dupin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Sept millions de femmes en France souffrent chaque mois de douleurs sévères durant la période des règles, selon un sondage Ifop publié en 2021.(photo d'illustration) (KRISANAPONG DETRAPHIPHAT / MOMENT RF)

Le 28 mai, c'est la journée mondiale des règles. La date n’a pas été choisie au hasard, puisqu'un cycle menstruel compte 28 jours et que le sang des femmes s’écoule en moyenne cinq jours par mois, mai étant le cinquième mois de l'année. Une journée internationale instituée il y a 10 ans pour lutter contre les tabous autour des menstruations féminines. Des tabous qui perdurent encore aujourd'hui comme en témoigne cette étude de l’association Règles élémentaires, sortie cette semaine, qui révèle que 40% des joueuses de foot ne se sentent pas à l’aise pour en parler et ratent régulièrement pour cette raison matchs et entraînements, le silence se transformant en absence.

Un tabou hérité des romains pour qui le sang menstruel était un poison, capable de faire aigrir le vin, enrager les chiens ou mourir les abeilles. Ne dit-on pas d’ailleurs encore aujourd’hui en France qu’une femme ayant ses règles ne devrait jamais faire de mayonnaise sous peine de la rater ? Du sang qui s’écoule du corps des femmes, il n’en fallait pas moins pour les diaboliser, au point que la moitié d’entre elles ressent toujours de la honte quand les règles débarquent sans prévenir.

Il n’y a qu’à les voir, ces femmes, se lever à toute vitesse pour demander de l'aide aux autres femmes, en chuchotant, alors que le temps presse, tandis que circulent sous le manteau tampons et serviettes, ces ennemis intimes souvent bourrés de produits chimiques, qu’on cache dans sa manche ou dans sa proche en se précipitant discrètement aux toilettes. Pour dissimuler l’évidence.

Dénoncer la volonté d’invisibiliser le quotidien des femmes

De plus en plus d’artistes dénoncent la honte et le silence. C'est le cas de la poétesse canadienne Rupi Kaur qui publiait en 2014 sur Instagram une photo d’elle sur son lit, pantalon et matelas tachés de sang. De petites tâches discrètes mais qui entrainèrent la suppression de la photo, à deux reprises. "Merci à Instagram d’avoir réagi exactement de la manière pour laquelle mon travail a été créé", avait alors déclaré Rupi Kaur. C’est-à-dire pour dénoncer la volonté d’invisibiliser le quotidien des femmes. Un quotidien précaire, près de deux millions de femmes en France n’ayant pas les moyens de s’acheter des protections hygiéniques.

Un quotidien également douloureux puisque sept millions de femmes souffrent chaque mois de douleurs sévères, selon un sondage Ifop publié en 2021. Les tabous perdurent, si les projets de congé menstruel, déjà instauré en Espagne, ont été systématiquement rejetés en France, à l'Assemblée nationale et au Sénat, la révolution menstruelle est bel et bien en marche, comme l'écrit Élise Thibaut dans son livre Ceci est  mon sang. Une révolution à la fois "sanglante et pacifiste", pour briser les tabous, pour que les femmes n’aient plus jamais à rougir de perdre un peu de sang. Pour que ce sang dans les publicités pour protections hygiéniques ne soit plus hypocritement représenté en bleu, comme si toutes les femmes étaient des schtroumpfettes, et pour qu’une chroniqueuse n’ait plus à se demander si se mettre dans la peau des règles ça n’est pas un peu audacieux.

Bref, pour que toutes les femmes puissent un jour demander haut et fort, dans l’openspace, à la piscine ou dans les vestiaires : est-ce que quelqu’un aurait un tampon ?

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