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Directive sur le secret des affaires : le socle juridique est posé

Si le volet relatif au "secret des affaires" a finalement été retiré de la loi Macron, l'Union européenne est en train de légiférer sur la question ; et si la directive est adoptée, la France sera bien obligée de s'y plier. Le texte a été amendé cette semaine au Parlement européen, afin de mieux protéger les journalistes et les lanceurs d'alerte, mais il reste très controversé.
Article rédigé par Anja Vogel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (Stéphanie Gibaud, lanceuse d'alerte dans l'affaire UBS © Maxppp)

Comment protéger les entreprises contre l'espionnage industriel tout en préservant la liberté d'expression des journalistes et des lanceurs d'alerte? C'est le défi que tentent actuellement de relever les députés européens, dans le cadre d'un projet de législation européenne sur les "secrets d'affaires": la "directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites ".

Le texte, proposé en novembre 2013 par la Commission européenne, cherche à définir cette notion juridique complexe au niveau européen, afin d'harmoniser les différentes lois nationales et d'améliorer la compétitivité des entreprises en les protégeant contre la divulgation de leurs "secrets économiques". Menace croissante selon la rapporteure du texte, la Française Constance Le Grip, du Parti populaire européen. Une entreprise pourrait donc attaquer en justice toute personne qui ferait des révélations considérées comme préjudiciables pour son activité.

D'où la mobilisation des syndicats français et européens. Sans compter celle des journalistes et du Collectif "Informer n'est pas un délit ", dont la pétition, portée par Elise Lucet, a déjà recueilli près de 350.000 signatures . En France, la mobilisation contre l'amendement "secrets d'affaires" dans la loi Macron avait conduit à son abandon.

Et pourtant, ce mardi 16 juin, la commission juridique du Parlement européen a posé la première pierre du socle juridique de la directive, en l'adoptant par 19 voix pour, deux contre et 3 abstentions. Après y avoir apporté quelques améliorations, notamment pour protéger les journalistes et les lanceurs d'alerte, "désormais exclus du champ d'application de la directive, si leurs révélations contribuent à l'intérêt général ", insiste l'eurodéputée socialiste Virginie Rozière. Après avoir fortement alerté sur les risques, elle estime aujourd'hui les garanties suffisantes.

Risque d'auto-censure et coût des poursuites

En sachant que ce serait aux personnes incriminées de prouver leur bonne foi, et que le risque d'auto-censure face aux menaces et au coût des poursuites serait grand, y compris chez les journalistes.

En tout cas ce vote à une si forte majorité ouvre la voie à une adoption du texte par l'ensemble des eurodéputés, peut-être dès la première lecture, avant la fin de l'année: les négociations avec les États et la Commission européenne ont d'ores et déjà commencé.

La mobilisation, elle, ne faiblit pas, chacun va s'efforcer d'user de son influence aussi bien au niveau du Parlement européen que des gouvernements nationaux, afin d'empêcher l'adoption d'un texte qualifié par ses détracteurs d'inutile et de liberticide.

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