En direct de l'Europe. Travailleurs détachés : l'Europe au défi du social
L'Union européenne est en train de réviser sa directive sur les travailleurs détachés, qui date de 1996. Parviendra-t-elle à mieux harmoniser les conditions sociales dans lesquelles les ouvriers d'autres pays travaillent chez nous et inversement ?
Un défi majeur, surtout en cette période de campagne électorale
S'il est bien une réforme qui divise profondément l'Union européenne, c'est celle de la directive sur les travailleurs détachés. En mars 2016, Marianne Thyssen, commissaire à l'emploi et aux affaires sociales, a présenté un texte censé réviser la législation qui date de 1996, avec comme principe "à travail égal, salaire égal", afin d'aligner leurs conditions de rémunération sur celles de leurs collègues locaux employés par la même entreprise.
Le texte actuellement en vigueur stipule qu'un travailleur, citoyen européen "détaché" dans un autre pays de l'UE, continue de bénéficier, pendant un temps donné, des conditions de rémunération de son pays d'origine. Depuis l'élargissement de l'Union à l'Est, il n'est plus du tout adapté, soulignent notamment l'Allemagne et la France qui dénoncent le dumping social des bas salaires.
L'Est de l'Europe opposée au changement
Or les anciens pays de l'Est justement refusent tout changement, au nom du principe de la liberté de circulation. En avril dernier, 11 d'entre eux ont protesté officiellement contre cette révision, en brandissant des "cartons jaunes". La Commission n'a pas cédé. Depuis l'automne dernier, la France est montée au créneau, en multipliant le lobbying auprès des institutions européennes et des pays qui envoient un grand nombre de travailleurs détachés, comme la Pologne.
"Certes la France est le deuxième pays d'accueil de travailleurs détachés dans l'espace européen, mais c'est aussi le 3e pays d'envoi de travailleurs détachés", rappelle la ministre du Travail, Myriam El Khomri. D'où la volonté de la France, avec six autres pays, d'obtenir les mêmes conditions sociales dès le premier jour du détachement, tout en luttant contre les fraudes, notamment dans le domaine des transports. Alain Vidalies, ministre des transports, souligne les techniques de plus en plus sophistiquées et demande une agence européenne pour "contrôler les contrôleurs" et ainsi lutter contre le dumping social dans les transports.
Les "inconnues" d'une directive révisée
Elisabeth Morin-Chartier, co-rapporteure PPE du Parlement européen sur la directive révisée, rappelle qu'il s'agit d'abord de déterminer "ce que l'on met dans le terme de rémunération", alors que beaucoup d'entreprises se permettent de défalquer les frais de logement ou de transport du salaire minimum en vigueur dans le pays, mais aussi de s'entendre sur les conditions dans lesquelles les conventions collectives s'appliquent aux travailleurs détachés, et effectivement sur la durée au bout de laquelle elles s'appliquent.
Des positions que le Parlement européen tente actuellement de réconcilier, lui qui devra donner son aval à la révision, au même titre que les États membres.
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