En Afrique du Sud, la génération d'humoristes post-apartheid s'empare de la question raciale
Le comédien Trevor Noah, qui présente désormais l’émission satirique américaine "The Daily Show", est devenue la figure emblématique de la comédie post-apartheid mais toute une nouvelle génération d’humoristes repousse les limites du genre sur les planches sud-africaines.
Au Melville Comedy Club, une petite salle dans le quartier étudiant de Johannesburg, des humoristes débutants et confirmés prennent le micro sur scène, pour raconter leurs expériences, et décrocher les rires d’une audience jeune et plutôt blanche. Muzi Dlamini a choisi de faire un sketch autour du groupe de conspirationnistes dans le pays qui croit, et se prépare, au massacre généralisé de la population blanche. Il les tourne en ridicule et enchaîne les vannes, sous les fous rires de la salle.
La plupart du temps, il n’hésite pas à s’aventurer sur le terrain encore délicat de la question raciale. Mais il fait attention à la façon dont il aborde le sujet en fonction de qui se trouve dans le public. "Il y a des communautés qui seront plus sensibles sur certains sujets, explique l’humoriste. C’est le principe de la comédie, il faut savoir lire la salle. Parfois on va juste faire rire les gens, sans les faire réfléchir. Mais d’autres fois, on va vouloir dire notre vérité, et parler du racisme, ou de l’oppression. Cela peut mettre mal à l’aise, mais le fait de pouvoir en rire veut dire que l’on arrive à en parler."
Cette nouvelle forme d’humour a vu le jour depuis la fin de l’apartheid, où des comédiens d’origines diverses ont pu partager la scène comique jusque-là réservée aux blancs.
"Une culture du politiquement correct"
Beaucoup d’humoristes estiment qu’il est de leur responsabilité d’aborder ces questions, et par le rire de changer la façon de voir les choses. Mais le public ne réagit pas toujours bien. "Je pense que c’est plus simple qu’il y a dix ans, car les gens commencent à mieux se comprendre, explique Robby Collins, qui a longtemps fait les premières parties de Trevor Noah. Mais c’est aussi difficile car on a développé une culture du politiquement correct, sur ce qui est acceptable de dire ou non. Et quand la vérité est énoncée, on ne sait pas trop comment réagir."
C’est compliqué de parler des questions raciales quand on est un humoriste blanc.
Gilli Apter, humoristeà franceinfo
Les humoristes blancs s’y essayent aussi mais il leur faut marcher sur des œufs au moment d’écrire des sketchs sur ces thématiques. C’est ce qu’a constaté Gilli Apter. Elle qui écrivait le plus souvent pour la télévision s’est mise au stand-up depuis quatre ans. "En Afrique du Sud, c’est compliqué de parler des questions raciales quand on est un humoriste blanc, affirme Gilli Apter. On est historiquement dans la position des privilégiés, il faut vraiment bien y réfléchir. Je n’ai pas peur de mes idées mais je suis certainement très prudente sur comment je choisis de les exprimer".
Et pour tous ces humoristes, l’histoire difficile du pays a fait naître un sens de l’humour particulier et très propre aux Sud-Africains. Un humour qui peut parfois être utilisé pour briser les tabous du passé.
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