En Cisjordanie, des comédiens se "vendent aux enchères" dans une pièce de théâtre pour protester contre les difficultés du secteur culturel
À Ramallah, une troupe de jeunes comédiens a décidé de jouer une pièce de théâtre pour sensibiliser le public à la crise dans le monde de la culture d’une manière plutôt originale.
La pièce s’appelle "al Mina", ce qui veut dire "le port" en arabe. Elle se déroule à Ramallah, en Cisjordanie occupée, où il n’y a ni rivière, ni mer, ni océan. Sur ce port imaginaire, des comédiens attendent un bateau. Un bateau qui n’arrive donc jamais. Il s’agit en fait d’une métaphore, pour parler de la reprise du travail pour tous ces artistes. La reprise des représentations, la réouverture des théâtre et des événements culturels qui ne semblent ne jamais arriver depuis la mise à l’arrêt depuis le début de la pandémie de coronavirus.
C’est une manière donc, de dénoncer les difficultés de tous ces comédiens. Des difficultés économiques, et le manque d’activité surtout. Car la plupart de ces acteurs se retrouvent "inutiles". À tel point qu’ils en arrivent - au point culminant de la pièce - à se "vendre aux enchères". Les spectateurs se retrouvent alors acquéreurs face à la commissaire priseur : "Les enchères commencent à 10 centimes, finissent à 15 !"
Maryam Basha, jeune comédienne palestinienne, a écrit cette pièce, sa première en tant que dramaturge, en écho à la situation actuelle : "En tant qu’artistes, on est un peu devenus 'bon marché', si je puis dire. On se vend si peu cher en ce moment, pour créer, contribuer au monde artistique et cela nous retient dans notre création. Et ce n’est pas seulement à cause de l’occupation, ça vient aussi de la situation économique et financière du pays. C’est comme si on attendait un événement qui risque de ne jamais arriver et il y a la pression, l’angoisse qui va avec. C’est de tout ça dont parle la pièce."
Une pièce jouée dans la rue
L’idée de cette pièce a commencé en mars au début de la pandémie de Covid-19. Le Réseau palestinien des arts du spectacle, plus connu sous le nom de "PPAM" et crée en 2015, a lancé un appel à projet, en partenariat avec de nombreuses institutions culturelles palestiniennes. Un des membres de la troupe de théâtre a pu bénéficier d’une résidence et a voulu en faire profiter ces collègues. Il a donc contacté la direction du théâtre al-Kasaba, à Ramallah, qui lui a prêté une salle pour répéter.
Cependant, avec le confinement généralisé, les répétitions ont continué à la maison, chacun chez soi, pour tous ses acteurs, mais le projet était lancé. Et l’idée était surtout de continuer à répéter, travailler et jouer pour ne pas perdre la main. Tous les comédiens sont des volontaires. Une fois mise en scène, l’idée était donc de jouer cette pièce dans la rue, une manière pratique pour respecter les conditions sanitaires liées au coronavirus, et de sensibiliser un public différent en interpellant les passants devenus les spectateurs. Les membres de la troupe espèrent pouvoir continuer et attirer l'attention du ministère de la Culture.
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