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En direct du monde. À Singapour, une "salle de la rage" pour se défouler à l’abri des regards

 La "Fragment room", à Singapour, propose aux salariés et étudiants soumis à une forte pression de se défouler en toute sécurité et à l’abri des regards.

Article rédigé par franceinfo - Margaux Bédé
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Pour quelque 25 euros, la Fragment room propose une demi-heure de destruction pour évacuer la pression. (ROSLAN RAHMAN / AFP)

Faire voler la vaisselle, jeter des bouteilles de verre contre le sol, fracasser une imprimante avec une batte de baseball : ce sont quelques-unes des activités que propose la Fragment room à Singapour. Dans la Cité-État où salariés et étudiants sont soumis à une forte pression, cette "salle de la rage" permet de se défouler en toute sécurité et à l’abri des regards.

Le lâcher prise, si peu commun à Singapour

L’endroit n’est pas paisible, mais il faut bien souvent quelques minutes avant que la personne se saisisse d’un objet et le brise sur le sol. Les stigmates des destructeurs précédents sont visibles dans la pièce : quelques débris de verre, de plastique ou encore de porcelaine, sont volontairement laissés au fond de la salle pour engager les plus timides à sauter le pas. Ici à Singapour, le "lâcher-prise" est en effet peu commun.

"Dans notre éducation, explique Royce Tan, qui a créé la Fragment rooom, on nous apprend à ne pas parler de nos problèmes, de nos émotions. Alors on garde tout pour nous et après ça nous blesse de l’intérieur."Ce que nous avons ici, poursuit-il, c’est un endroit sûr où vous pouvez faire ce que vous voulez. Si vous voulez venir ici pour crier, pleurer, rire, hurler, vous faites ce que vous voulez. Laissez juste vos démons intérieurs s’échapper. Ici ce n’est pas un endroit où l’on vous jugera. C’est juste un endroit sûr."

Le regard des autres en question

Le fondateur ne parle pas de risques corporels mais bien du regard des autres. Devina, 29 ans, exprime ainsi rarement ses émotions par peur de se retrouver sur le réseau social singapouriens Stomp. "Je ne sais pas si vous connaissez Stomp, les gens prennent des photos et des vidéos de vous et les envoient sur ce site, témoigne cette Singapourienne. C’est du genre 'Oh regardez ce client qui se met en colère' !", c’est juste du divertissement, c’est comme un Facebook malsain et toute votre vie peut se retrouver dessus…" La faute à la taille du pays : "On n’a pas vraiment d’endroit ici à Singapour où on peut librement s’exprimer sans se demander, qui verra quoi", indique Devina.

C’est un petit pays, tout le monde se connaît. Même à la maison on peut à peine crier la tête dans un oreiller sans que quelqu’un entende…

Devina, 29 ans

franceinfo

Certains spécialistes s’inquiètent de cette nouvelle mode. Selon Jeanie Chu, psychologue à la Resilienz clinic à Singapour, la méthode n’aiderait pas vraiment car elle n’élucide pas la source de la colère puisque l’individu ne parle pas de son problème mais évacue (le stress) physiquement. "Cela apprend aux personnes que c’est le seul moyen de libérer sa colère, déplore la psychologue. Ce n’est pas très sain et à l’avenir cela peut même conditionner certaines personnes à être agressives dès qu’elles sont contrariées. Je ne pense donc pas que ce soit le moyen le plus sain (d’évacuer la pression) et c’est assez inquiétant…"

Mais alors qu’une consultation chez le psychologue à Singapour coûte aux alentours de 100 euros, certains préféreront peut être dépenser 25 euros pour une demi-heure de Fragment room et faire voler en éclats tout un tas d’objets pour peut-être évacuer la pression accumulée.

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