En direct du monde. Elections au Kenya : Insultées, menacées, agressées... Les femmes politiques vivent "l'enfer"
Les Kényans votent mardi pour choisir un nouveau président et élire leurs députés. L'occasion de se pencher sur la marche des femmes vers le pouvoir, un véritable chemin de croix.
Les bureaux de vote ont ouvert leur portes au Kenya peu après 6h, mardi 8 août, pour des élections générales âprement disputées. C'est l'occasion de parler de la situation des femmes kenyanes pour qui la marche vers le pouvoir tient du chemin de croix. Elles sont très souvent la cible de harcèlement, d'insultes voire d'agressions. Bruno Meyerfeld, correspondant de franceinfo au Kenya, décrit "l'enfer" que vivent ces candidates et ces élues, qui sont d'ailleurs peu présentes à l'Assemblée du Kenya.
franceinfo : concrètement, que risque une femme politique au Kenya ?
Bruno Meyerfeld : Les candidates sont partout menacées, accueillies dans leur meetings par des groupes d'hommes qui n'hésitent pas à les insulter, les siffler, les embrasser, les gifler, leur toucher les seins ou les fesses. Voire à les déshabiller de force. Certaines ont vu leur maison brûlée, leur commerce détruit, d’autres ont été attaquées par des groupes armés, blessées à coups de bâtons ou de barres de fer. Plusieurs ont fini à l’hôpital. Et certaines, face à la passivité de la police, ont renoncé à être candidates.
Comment expliquer cette situation ?
Au Kenya la politique est traditionnellement un terrain réservé aux hommes. Les femmes sont vues comme des intruses, des ennemies qu’il faut éliminer à tout prix.
Leur salaire est aussi très inférieur à celui des hommes. Difficile donc pour une femme de trouver de l’argent pour se lancer en politique. Et enfin, il y a les médias, toujours hostiles. Au Kenya, les journalistes considèrent les femmes uniquement comme des objets de beauté. Et n’hésitent pas à leur faire des remarques sexistes en direct à la télé ou à publier des photos de leurs jambes en première page des journaux. Résultat : les femmes n’occupent que 19% des sièges de l’Assemblée nationale. Et pour ne rien arranger, l’immense majorité des députées siège seulement grâce aux quotas mis en place par la Constitution, qui garantissent quelques sièges aux femmes. Sur les 68 députées de l’Assemblée, seules 16 ont été élues en compétition avec les hommes. Toutes les autres doivent leur nomination aux quotas.
En France, il y a 39% de députées femmes. La situation au Kenya pourrait-elle s'améliorer ?
Pas vraiment. Deux femmes pourraient être élues gouverneur de comté. Ce serait une première. Il n’y en avait aucune jusqu’à présent sur les 47 du pays. Mais ces quelques cas cachent une réalité plus sombre. Pas une femme ne s’est présentée comme candidate à la présidentielle. Et il n’y aurait cette année aux élections générales que 140 candidates contre 2 400 hommes. La part des femmes n’est pas prêt d’augmenter dans la future assemblée, et ce en contradiction totale avec la Constitution. Depuis 2010, celle-ci stipule qu’aucun "genre" ne doit accaparer plus des deux tiers des sièges du Parlement. Mais, en sept ans, les députés n’ont jamais cru utile d’adopter une loi permettant l’application concrète de la norme suprême du pays. Les magistrats ont pourtant prévenu : une simple pétition suffirait pour qu’à peine élue, la future Assemblée soit déclarée inconstitutionnelle et immédiatement dissoute. Une épée de Damoclès qui pourrait pousser les députés à appliquer la loi et ouvrir enfin les portes de la démocratie aux citoyennes kényanes.
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