En Suisse, une exposition remet en cause le rapport entre notre cerveau et l'information
L'exposition immersive "La nouvelle menace" à Genève permet d'explorer les biais cognitifs qui font que chaque personne traite l'actualité différemment.
Une nouvelle pandémie potentiellement mortelle frappe le monde… Rassurez-vous, ce n'est que l'exposition "La nouvelle menace", qui a lieu à l’Université de Genève jusqu’au 16 octobre. Exposition organisée par le département des neurosciences de l’Université puisqu’il y est moins question de la pandémie que de notre réaction face à elle. Et pourquoi notre cerveau adhère plus facilement à certaines informations qu’à d’autres.
>> VIDÉO. Comment les biais cognitifs trompent-ils notre cerveau ?
L'objectif de cette expo, c’est de mettre à jour ce qu’on appelle les biais cognitifs. On en a beaucoup parlé pendant le covid. Le biais cognitif c’est un peu comme un raccourci qu’on prendrait à chaque fois qu’on nous donne une info, au risque de la déformer, mais ce n’est pas toujours négatif. Cela peut même nous aider quand on doit prendre une décision en urgence. C’est plus problématique quand il s’agit d’un sujet complexe comme l’arrivée d’une nouvelle pandémie.
"Il est très facile de se convaincre qu'on a objectivement raison"
Ici, les organisateurs ont imaginé un scénario catastrophe. Des victimes et des experts inondent les plateaux télés pour donner leur opinion sur les origines du mal. Comme un air de déjà-vu pour Régine, qui se rappelle très bien les débuts du Covid : "C'est vrai que ça fait un énorme écho à tous qu'on a vécu pendant la pandémie."
On se retrouve à écouter des gens en se disant qu'ils savent de quoi ils parlent ou, tous comptes faits, pas du tout.
Régine, visiteuse de l'expositionà franceinfo
"Cette expo souligne la façon qu'on a de fonctionner", souligne Régine. Parce qu’on est effectivement tous conditionnés par ses biais cognitifs - y compris les scientifiques. "Parfois même les experts ont des biais plus importants que les autres parce qu'ils sont beaucoup plus capables de trouver les arguments en faveur de leur point de vue, détaille Mona Spiridon, la commissaire de l’exposition. Ils ont aussi beaucoup plus d'outils pour critiquer les arguments des autres. L'idée c'était justement de montrer comment il est très facile à partir de quelques données de se convaincre qu'on a objectivement raison." Et c’est ce qui explique aussi, pourquoi nombre de scientifiques se sont trompés sur le Covid. Leur jugement était brouillé par ces biais cognitifs qui nous dominent parfois.
Différence entre biais de confirmation et fake news
Le plus connu des biais cognitifs, c’est le biais de confirmation. C’est ce qui nous pousse à privilégier tous les arguments qui iraient dans notre sens et à rejeter ceux qui tendent à invalider nos hypothèses. Il y a également le biais de disponibilité qui fait qu’on se contente des informations disponibles immédiatement. Dans les médias, on connaît aussi le biais de cadrage. C’est ce qui arrive quand on pose une question sous un certain angle qui tend à en faire une vérité indépassable.
Pour autant, ce n'est pas une exposition contre les fake news. Les visiteurs visionnent deux vidéos pour leur expliquer les origines de la pandémie. Dans un cas, les experts semblent dire que c’est le pollen qui est responsable des morts. Dans l’autre, ils penchent plus pour un produit chimique utilisé dans l’industrie. Le souci, c’est que rien de ce qui est dit n’est vraiment faux dans les deux cas. Mais la façon de présenter les choses change complètement notre perception de la réalité. "Ce qu'on veut montrer c'est que ce n'est pas aussi simple que ça de faire la distinction entre ce qui est vrai et ce qui est faux, explique Mona Spiridon. Il suffit par exemple d'interpréter les données d'une manière différente et on a des résultats différents."
Il ne suffit pas de faire du fact checking pour savoir ce qui est correct ou pas.
Mona Spiridon, commissaire de l'exposition "La nouvelle menace"à franceinfo
Le but ce n’est donc pas de dire aux visiteurs "vous devez penser ça", mais plutôt de les soumettre, de nous soumettre, à nos propres contradictions. Qu’on soit simples anonymes ou mêmes scientifiques. Pour remettre un peu de doute dans nos certitudes. Et qu’on ose dire, la prochaine fois : "et bien je ne sais pas".
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