Le portrait rhétorique de Xavier Bertrand
Clément Viktorovitch a décrypté le discours politique de Xavier Bertrand, invité lundi 4 octobre de l'emission les "matins présidentiels".
Xavier Bertrand, j'ai décortiqué vos interventions et je me suis vite rendu compte que, sur le fond, votre discours est structuré autour de trois grands piliers que vous répétez souvent : l'autorité, le travail et les territoires. Voilà qui éclaire les grandes lignes de votre campagne et constitue au fond un retour aux valeurs et aux thèmes traditionnels de la droite. D'ailleurs, j'ai l'impression que c'est quelque chose que vous revendiquez.
Une utilisation abondante de la métaphore
Mais ça, c'est ce que vous nous dites avec votre discours. Moi, ce qui m'intéresse davantage, c'est ce que votre discours nous dit de vous, de l'image que vous projetez à dessein ou non. D'ailleurs, et c'est cela que je vais essayer de dégager. Tenez, par exemple, les figures de style, il y en a une que vous utilisez abondamment, c'est la métaphore : "Je n'ai pas de baguette magique", "Je fais de mon mieux avec des premiers résultats", "Je ne me réjouis absolument pas de voir la France en deuxième division internationale", "Le centralisme mais c'est un cadavre, une gangrène dans la société française", "L'impunité est vue comme un ours au milieu du couloir", "Vous savez, comme je marche sur deux jambes, il faut avoir une ligne droite."
Ceci n'est qu'une petite sélection, bien sûr, mais ce qui me frappe, c'est la nature des analogies au sein desquelles vous allez piocher comme "la baguette magique", "la France en deuxième division" ou "l'ours au milieu du couloir". Nous sommes dans un registre populaire presque proverbial. Cela vous permet de renvoyer une image de proximité qui vient rentrer en résonance avec l'ancrage territorial que vous mettez en avant.
Renforcer une image de proximité
Et d'ailleurs, c'est valable aussi pour une autre dimension de votre parole, celle qui a trait à ses marqueurs métadiscursif. Alors, je sais que ça a l'air compliqué, mais en réalité, c'est extrêmement simple. Les marqueurs métadiscursif, ce sont tous ces petits mots que nous utilisons, l'air de rien, pour commenter notre propre discours. Et chez vous, Xavier Bertrand, il y en a un qui revient sans cesse c'est "Je vais vous dire une chose".
Un marqueur qui me semble signifiant. Il ne se contente pas de mettre en évidence des éléments de discours. Il suggère également la familiarité et la connivence. Ce qui vous permet de renforcer à nouveau votre image de proximité et d'élu local. Je n'oublie pas que vous vous réclamez également du respect et de l'autorité. Et justement, vous avez de ce point de vue une véritable signature rhétorique. Elle tient en trois mots : énonciation, silences, répétitions.
"Le 'Front national newlook', ça n'existe pas, ça n'existe pas", "Elle n'est pas derrière nous la crise sanitaire, elle n'est pas derrière nous", "C'est un président de la République en campagne, en campagne" ou "C'est une France à deux vitesses, à deux vitesses." Là encore, ce ne sont que quelques-unes des multiples occurrences que j'ai relevées dans vos interviews. En rhétorique, la répétition, ça n'est pas neutre. C'est ce que l'on utilise quand on veut donner de l'importance à ses propos. Leur conférer de la solennité. Quant au silence, il produit peu ou prou les mêmes effets. Il ménage du suspense et de la gravité.
Une réthorique sciemment travaillée ?
C'est ainsi, Xavier Bertrand, que vous parvenez à colorer vos interventions d'une impression d'autorité. En définitive, l'image que vous construisez proximité, solennité par votre discours concorde donc largement avec les valeurs de droite que vous mettez en avant. À tel point que l'on pourrait se demander si l'alignement n'est pas trop parfait pour être totalement du au hasard. Je ne résiste donc pas à vous poser la question. Votre rhétorique est-elle la pure traduction de votre sincérité ? Ou alors a-t-elle été sciemment travaillée ?
Réponse de Xavier Bertrand : "Aujourd'hui, c'est le reflet de mon parcours et de ce que je suis. À un moment, c'était beaucoup plus bâti avec des conseillers en communication." Le candidat à l'élection présidentiellle assure ne pas avoir de conseillers en communication. "Non, j'ai des amis. Puis, on vous apprend aussi un truc avec le conseil en communication c'est ne jamais répondre aux questions. Moi, je pense qu'il faut répondre aux questions parce que quand on ne répond pas, les gens se disent : 'Toi, tu n'as pas l'intention de répondre. Donc, ce n'était pas clair.'"
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