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1914-1918, franceinfo y était. 9 mai 1915 : Sanglante percée dans l'Artois

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, la "Sanglante percée dans l'Artois".

Article rédigé par Grégoire Lecalot - Sébastien Bayard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Distribution d'eau dans des tranchées de l'Artois. (PHOTO12 / AFP)

Grande offensive française dans le nord du pays ce matin. Nos troupes ont percé les lignes allemandes. C’était près de Vimy, dans le Pas-de-Calais. Demi-succès très cher payé : on compte de nombreuses victimes. Sébastien Bayard, vous avez accompagné toute la journée la division marocaine, une unité qui a fait acte de bravoure aujourd’hui…

Pour ces hommes en uniforme kaki, tout a bien commencé, avec des conditions idéales. Il y a deux jours, il pleuvait. Le soleil est revenu, ce qui a permis de sécher la boue. Dans cette opération, cela a largement facilité la progression des troupes vers les lignes ennemies.

Ordre a été donné de passer à l’attaque vers 1 heure du matin. La pleine lune permettait d’apercevoir la cible désignée par le général Foch, la fameuse crête de Vimy baptisée "cote 140". L’objectif pour ces hommes était à la fois simple et compliqué : rompre, diviser le front allemand dans cette région de l’Artois. Comme je vous le disais, les conditions étaient parfaites. La préparation de ces hommes a été minutieuse, avec la mise en place de dépôts de munitions, de fusées, d’eau, de vivres… Si bien qu’en moins de deux heures, ce 33e  corps a parcouru 4 kilomètres. Les troupes allemandes ont été prises complètement par surprise, elles ont à peine eu le temps de réagir ; le bataillon français a rapidement eu le dessus face aux Allemands, qui ont tenté de riposter vainement par des tirs de mitrailleuse et d’artillerie. Bilan : au petit matin, la division marocaine s’est emparée de cette fameuse cote 140. Elle a pris également deux batteries ennemies, plusieurs dizaines de mitrailleuses et fait 1 500 prisonniers, dont un colonel allemand.

Ce fut un succès d’assez courte durée, car il y a eu visiblement des failles dans le commandement français…

Les hommes du 33e corps ont progressé très vite, trop vite d’ailleurs peut-être… Quand ils ont atteint la cote 140, vers 11 heures du matin, les renforts restés à l’arrière du bataillon ne s’étaient pas encore élancés… ils étaient loin derrière, à 8  kilomètres de leurs camarades. Les hommes du 33e corps se sont donc retrouvés esseulés ! Pas de relève, pas de renforts, pas de cadres pour commander les opérations, et ils sont arrivés à court de munitions… Il leur manquait aussi des mitrailleuses. Ce flottement dans la conduite des opérations, cet amateurisme même à obliger les troupes marocaines à reculer… Les Allemands en ont profité pour organiser la contre-attaque, ils se sont appuyés sur les poches de résistance qu’ils avaient pu préserver. Car ils étaient, eux, bien mieux organisés, avec des renforts arrivés en autobus depuis Lille… Pour le 33e corps, ce qui aurait dû être une victoire s’est ainsi transformé en boucherie ; en un peu plus de vingt-quatre heures, 50 officiers et près de 2 000 sous-officiers et tirailleurs ont perdu la vie.

Parmi les victimes de cette débâcle, il y a un soldat peut-être plus connu que les autres…

Ce combattant n’est autre que le vainqueur du Tour de France de 1909, le Luxembourgeois François Faber… Le coureur cycliste était devenu caporal, il avait signé un contrat d’engagé volontaire dans la Légion étrangère pour la durée de la guerre… Lors de son incorporation, Faber aurait d’ailleurs expliqué : "La France a fait ma fortune, il est normal que je la défende." Ce sportif aux innombrables victoires a tout quitté pour rejoindre le front… Cet acte de bravoure, d’héroïsme pourrait-on dire, lui a coûté la vie… Faber a disparu dans la bataille de l’Artois, quatre jours seulement après avoir appris la naissance de sa fille, Raymonde, qu’il n’aura jamais vue.

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