Guerre entre Israël et le Hamas : à Gaza, partir ou mourir

Le Hamas affirme que plus de 11 000 personnes ont été tuées à Gaza. Les combats au sol se déroulent autour du plus grand hôpital du territoire. Les civils qui vivent au nord de l'enclave sont sommés par l'armée israélienne de partir vers le sud, réveillant chez eux les craintes d'une deuxième "Nakba".
Article rédigé par Frédéric Métézeau
Radio France
Publié
Un jeune garçon palestinien porte un drapeau blanc de fortune alors qu'il arrive avec sa mère près de l'hôpital Al-Shifa dans la ville de Gaza, le 6 novembre 2023. (BASHAR TALEB / AFP)

Le soutien inconditionnel de la France à Israël est terminé. Seize jours après avoir appelé, à Jérusalem, à une coalition anti-Hamas inspirée de la coalition anti-Daesh, Emmanuel Macron a nuancé le droit absolu d'Israël à se défendre. Le vendredi 10 novembre sur la BBC il estime que : "De facto, aujourd'hui, des civils sont bombardés. Ces bébés, ces femmes, ces personnes âgées sont bombardés et tués". Il n'y a "aucune justification" et "aucune légitimité à cela. Nous exhortons donc Israël à arrêter."

Le lendemain, le premier ministre israélien Netanyahou répond au président français lors d'une conférence de presse : "Le président Macron a fait de bonnes choses. Il est venu ici et il a envoyé un hôpital flottant. Il a aussi fait une grave erreur. Une erreur factuelle mais aussi une erreur morale. Ceux qui empêchent l’évacuation des civils, ce n’est pas Israël, c’est le Hamas ! Israël les incite à partir. Ceux qui utilisent les civils gazaouis en tant que boucliers humains ce n’est pas Israël, c’est le Hamas. Ceux qui se retranchent dans les hôpitaux, dans les écoles, dans les locaux de l’UNWRA, de l’ONU, ce n’est pas Israël c’est le Hamas. Alors je dis au Président de la France et à nos autres amis : cela arrivera chez vous aussi. On n’a pas besoin de ces leçons de morale."

Les journalistes empêchés d'entrer à Gaza

Que se passe-t-il vraiment à Gaza, peuplée de 2,4 millions d’habitants ? Les bombardements massifs et meurtriers de l’armée israélienne sont une évidence et le Hamas affirme que plus de 11 000 gazaouis sont morts. De leur côté, les islamistes retiennent près de 250 otages à qui le Hamas a refusé la visite de la Croix Rouge Internationale. L'Union Européenne accuse le Hamas d'utiliser sa population civile comme boucliers humains, notamment dans le grand hôpital Al Shifa. Faute de pouvoir entrer à Gaza verrouillé par l'armée israélienne et de disposer d'informations et bilans absolument fiables de la part des belligérants, les journalistes de Radio France travaillent avec des sources locales. Ce sont des habitants, des journalistes, des humanitaires, des commerçants, des archéologues, des missionnaires chrétiens à Gaza. que nous avons rencontrés sur place et en qui nous avons confiance. Parmi eux, Rami Abou Jammus, fixeur pour plusieurs correspondants de Radio France. A la fois guide, auxiliaire, interprète et chauffeur, il est indispensable pour nous. Et dans des messages vocaux poignants, il s'adresse à ses amis journalistes 

Les Gazaouis comme Rami ont le choix entre partir et mourir. Rami ne veut pas partir de son appartement du nord de la bande de Gaza pour se rendre dans le sud. Mais le jeudi 9 novembre son immeuble est partiellement détruit. Rami a donc fini par partir. A pied, dans des carrioles tirées par un âne puis par un cheval, et enfin en voiture, il a rejoint Rafah à la frontière égyptienne avec sa famille. Mais les réticences restent fortes chez les Palestiniens à quitter leur maison.

La crainte d'une nouvelle "catastrophe" pour les Palestiniens

Le Docteur Youssef, 74 ans, originaire de Gaza et vivant en France depuis 40 ans était en vacances là-bas quand la guerre a éclaté. Après trois semaines très difficiles – sa maison a été détruite – il est revenu en France. Il expliqué que les Palestiniens restent très marqués par la Nakba de 1948, année de la première guerre israélo-arabe. En arabe, ce mot signifie "la catastrophe". C’est l’exode des Palestiniens chassés par les sionistes ou qui ont préféré fuir leur maison. On les estime à 650 à 900 000 personnes déplacées de force vers Gaza, la Cisjordanie, au Liban, en Jordanie et en Syrie. Pour le Docteur Youssef, demander à un gazaoui de quitter sa maison, voire d’aller se réfugier en Egypte, revient à lui faire revivre une deuxième Nakba. Selon Amélie Ferey, coordinatrice du laboratoire de recherche sur la Défense à l'IFRI et spécialiste d’Israël et de la Palestine, la Nakba est "un trauma constitutif de l’identité palestinienne" alors qu’en Israël cette Nakba n’est pas enseignée en tant que telle dans le système scolaire.

Dans cet épisode : Sébastien Laugénie, Rami Abou Jammus, le Docteur Youssef, Amélie Ferey
Mise en ondes : Anne Depelchin
Technique : Alex Comaza, Thomas Coudreuse
Production : Frédéric Métézeau

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