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Guerre entre Israël et le Hamas : l'ONU face au mur
Derrière son pupitre, avant de se lancer dans l'arène, le porte-parole du secrétaire général de l'ONU, le Français Stéphane Dujarric, boit une petite gorgée à sa gourde bleu ciel, couleur des Nation unies. Pour cette conférence de presse, mercredi 31 janvier, le ciel est orageux. La survie de la principale agence de l'organisation est en jeu. L'UNRWA, l'office de secours et de travaux des nations unis pour les réfugiés de Palestine dans le proche Orient, est accusée d'avoir embauché 12 Palestiniens à Gaza. D'après Eylon Levy, porte-parole du Premier ministre israélien, ils ont participé aux terribles attaques du 7 octobre. "L'agence n'est pas une organisation neutre, assure-t-il. Elle a été détournée par le Hamas. Nos renseignements ont établi que sur approximativement 12 000 employés, 10% sont des agents du Hamas ou du Jihad islamique."
Ça n'est pas la première fois que l'ONU est dans le viseur d'Israël. En 2018, avec le soutien de Donald Trump, Benyamin Nétanyahou avait déjà tenté de débrancher cette agence, qui perpétue selon lui la situation des réfugiés. Certes, l'UNRWA, en Palestine, est un État dans l'État. Dans un environnement d'effondrement institutionnel, elle maintient un service de santé, d'éducation, de développement pour les réfugiés, comme à Balata en Cisjordanie occupée. C'est là que vit Ahmed Abu Shehadé, enseignant pour l'UNRWA. "Ce camp, qui l'a construit ? L'UNRWA. Qui nous apporte de l'aide alimentaire ? L'UNRWA. Même mon sang, c'est l'UNRWA."
"Pendant ce temps les gens ont besoin de survivre"
Cette fois-ci, le coup des Israéliens a porté. Les principaux financeurs de l'agence ont suspendu leur aide. L'assistance respiratoire qu'elle fournit depuis le début de la guerre à Gaza menace de s'effondrer à la fin du mois. Devant la presse, Stéphane Dujarric monte les digues pour tenter d'éviter l'effondrement de toute l'institution. "On travaille sur les responsabilités, déclare le porte-parole du secrétaire général de l'ONU. Mais pendant ce temps, les gens ont besoin de survivre et on doit pouvoir continuer le soutien humanitaire de L'UNRWA."
Hasard du calendrier, l'incendie à l'UNRWA démarre le jour où une autre instance de l'ONU, la Cour internationale de justice, alerte sur les risques de génocide à Gaza. Dans son ordonnance, les 17 juges demandent notamment à l'État hébreu de permettre l'accès à l'aide humanitaire. Johann Soufi, avocat, spécialiste en droit international, estime que "l'obligation juridique s'applique a l'ensemble des États en particulier les États alliés d'Israël, qui doivent prendre toutes les mesures, on parle de sanctions économiques, d'embargo sur les armes, pour prévenir un génocide."
L'ordonnance de la Cour internationale de justice n'est pas contraignante. En 2014, la même juridiction avait estimé que le mur de séparation construit par Israël était Illégal. Sans obtenir la moindre avancée.
"La seule option possible"
L'histoire retiendra peut-être que c'est à Paris que le second accord de trêve a été mis sur les rails. Mardi 30 janvier, un document a été remis au chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh. Il prévoit une trêve de six semaines en échange d'un nouveau processus de libération des otages. Il y a encore du chemin à faire mais les services de renseignement des quatre pays qui ont élaboré ce cadre estiment que c'est une proposition capable de rapprocher des positions qui sont encore éloignées. Sur la chaîne américaine MSNBC, Mohammed Bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, le Premier ministre qatari, affirme "qu'on ne peut pas améliorer les choses très vite, mais on espère voir avancer le Hamas vers une position constructive. On pense qu'aujourd'hui, c'est la seule option possible."
Thibault Lefèvre, correspondant de Radio France à Jérusalem, a observé ces dernières semaines les contorsions du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, pris en étau entre l'extrême droite qui menace de faire tomber sa coalition en cas de trêve, et les Américains qui pèsent de plus en plus pour éviter l'embasement régional. Les Américains veulent éviter de se faire entièrement aspirer par le conflit. Leur bras de fer par procuration avec l'Iran, a coûté la vie à trois soldats en Jordanie. La circulation des bateaux en Mer rouge reste perturbée. Et à la frontière entre Israël et le Liban, le risque d'escalade reste palpable.
La fuite de Khan Younes
Khaled fait partie des Gazaouis qui ont pu quitter la zone des combats à Khan Younes. Il a quitté un hôpital proche de l'épicentre et pris la route de la mer. Avec des centaines d'autres Palestiniens terrorisés par cette guerre qui oblige les civils à fuir ville après ville en direction de la frontière.
"Il y a des zones ou on devrait courir, des zones où on se cachait par terre, franchement, on était en train de mourir debout."
Khaled
"Imaginez les pauvres Gazaouis coincés entre les bombardements Israeliens massifs d'un côté, et la rapacité de certains officiers Egyptiens de l'autre" : comme le dit Éric Goldstein, porte-parole de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, il n'y a aucune limite à l'exploitation financière du désespoir. À Gaza, petit à petit, des filières se sont organisées pour soutirer de l'argent aux survivants.
Les Égyptiens qui contrôlent la seule frontière qui échappe à Israël on réautorisé les passages pour les Palestiniens fortunés. Ils ont en quelque sorte mis sur pied un péage de la survie. Il faut payer très cher pour quitter Gaza. Ce système existait à moindre coût avant la guerre, il a été réactivé. Rami Abu Jamous, journaliste à Gaza, explique que les Égyptiens y ont vu une bonne source d'argent : "Si moi, je veux sortir avec ma femme et mes enfants, je paye 7 000 dollars à un intermédiaire qui est à Gaza. Le jour où tu as ton nom sur la liste, tu entres."
"Liquider l'UNRWA équivaudrait à liquider le droit au retour"
Jalal Al Husseini, chercheur associé à l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) à Amman, estime que sans l'UNRWA, on entrerait dans un cycle de catastrophes humanitaires. "L'UNRWA à Gaza est encore plus puissante que l'autorité palestinienne telle qu'elle est administrée, estime le spécialiste. C'est comme si vous supprimiez une grande partie des services hospitaliers et éducatifs en France. C'est inenvisageable."
"L'UNRWA au fil des années est devenue malgré elle et par défaut, le symbole du droit au retour. Donc dans l'esprit du gouvernement d'extrême droite Israelien, liquider l'UNRWA ça équivaudrait à liquider le droit au retour."
Jalal Al Husseini
Selon le chercheur, l'UNRWA "n'est pas seulement un symbole, c'est un quasi-gouvernement, et donc il n'y a aucune alternative. Mais il s'agissait je pense après l'épisode de la Cour internationale de justice, de donner certains gages à Israël."
Dans cet épisode : Thibault Lefèvre, Alice Froussard, Rami Abu Jamous
Réalisation : Etienne Monin, Pauline Pennanec'h, Geoffroy Baccialone
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