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Défendre la langue française, une bricolette?

En 1994, pour Jacques Toubon, il fallait lutter contre les anglicismes afin de protéger la langue française, reflet de la puissance économique nationale. Un peu comme si la sorcière s'était contentée de briser le miroir pour redevenir la plus belle du royaume.
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (Les membres de l'Académie française sont les garants de notre langue. Ici, sous la coupole le 26 nov 2013 © SIPA PRESS)

Retour ce matin en novembre 1964. Dans la mythique émission de France Inter  "Rendez-vous à 5 heures", une émission pour les femmes Pierre Divoire lance sa chronique consacrée aux gadgets…

 "Je n'ose plus dire "gadgets" parce qu'à l'unanimité vous condamnez ce barbarisme...Madame Carouge propose "bricolette"..."

Les anglicismes ne sont pas une nouveauté des années 1960. L’anesthésie et le pickpocket nous viennent du XVIIIème siècle, l’autobiographie et le job du XIXème siècle, l’autocar, la vitamine et le chewing-gum des années 1920, les chips et le show des années 1930…

Mais il est vrai que dans les années 1960, l’américanisation culturelle se manifeste par un flot de mots anglais qui s’invitent dans notre lexique, du marketing, à la pop, aux stations service en passant par la star sexy…

Mais si la défense de la langue française devient politique dans les années 1960 avec la création en 1966 du "Haut Comité pour la défense et l’expansion de la langue française", afin de lutter selon les mots de Pompidou contre "la barbarie linguistique", c’est parce que c’est le moment où malgré la décolonisation, la France cherche à maintenir des liens avec son ancien empire. La francophonie doit servir de ciment et servir la puissance française.

En 1994, lorsqu’il vient évoquer sur Antenne 2 sa loi de défense de la langue française en punissant les usages de l’anglais, le ministre de la culture et de la francophonie, Jacques Toubon, fait aussi le lien entre la langue et la puissance française. 

"Je pense que c'est dans la mesure où nous cédons sur certaines caractéristiques de notre culture que nous céderons aussi sur notre puissance économique"

 Cette loi largement sera  profondément limitée par le Conseil constitutionnel. Mais l’argument de Toubon est étonnant : en résumé, la langue est le reflet de la puissance économique donc il faut protéger la langue pour conserver la puissance économique…

 

Un peu comme si dans "Blanche-Neige", la sorcière avait décidé de casser son miroir plutôt que d’écouter ce qu’il avait à lui dire…

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