Histoires d'info. Quand l'homme politique devient un produit marketing
Le marketing politique est presque aussi vieux que la Ve République. Retour sur les origines de la transformation de nos hommes politiques en produits destinés au "citoyen consommateur".
Le marketing politique est presque aussi vieux que la Ve République. Il est au moins aussi vieux que l’élection du président de la République au suffrage universel, puisque pour cette première élection en 1965, un publicitaire est omniprésent aux côtés d’un candidat. Ce publicitaire, c’est Michel Bongrand qui s’était déjà fait connaître en lançant James Bond en France. Et le candidat, c’est Jean Lecanuet, dont il fait le Kennedy français et à qui il offre un slogan très actuel : "Un homme neuf. Une France en marche. Une Europe unie".
En 1967, Michel Bongrand part dans de nouvelles aventures électorales avec une conception très publicitaire des choses. Un journaliste de télévision dit : "Michel Bongrand lance aujourd'hui la campagne électorale des 487 candidats-députés gaullistes. L'idée de l'Hexagone dans un cercle rayonnant est de Michel Bongrand qui répète volontiers aux candidats-députés gaullistes : 'Vous êtes des hommes publics, pour conquérir le public il faut du spectacle.' La campagne électorale de papa est finie. Aujourd'hui, le député est un produit, l'électeur un consommateur politique. Député savonnette ou député gadget, Michel Bongrand ne s'émeut guère des critiques".
Une nécessité à l’heure des médias de masse
Le général de Gaulle a refusé les services de Michel Bongrand en 1965 mais mis en ballottage à la surprise générale par François Mitterrand, de Gaulle et tous les observateurs comprennent que désormais le marketing politique est une absolue nécessité à l’heure des médias de masse.
Le marketing politique prend vraiment le pouvoir lors des législatives en 1978, on l’enseigne même à Sciences Po. Et parmi les jeunes stars de la pub que les politiques s’arrachent, Jacques Séguéla, l’homme du slogan "La force tranquille" et de l’affiche gagnante de Mitterrand en 81.
Un an plus tard, il assume totalement et non sans cynisme son apport de publicitaire, dans l'émission Apostrophes avec Bernard Pivot : "Vous avez offert vos services à François Mitterrand, pourquoi ? Pour redresser, améliorer ou changer son image de marque ?" Jacques Séguéla lui répond : "Pas du tout. Pour que François Mitterrand soit lui-même. Pour que la politique ait à sa disposition un professionnel. Je n'ai donc pas du tout fait ça par militantisme et je suis encore moins socialiste que jamais. J'ai fait ça pour faire mon métier et pour montrer aux hommes politiques et surtout aux Français, parce que c'est pas les hommes politiques qui m'intéressent, ce sont les Français, ce sont les consommateurs, que là aussi la publicité pouvait donner le meilleur d'elle-même. Et le meilleur d'elle-même, c'est de révéler la réalité profonde des produits et en l'occurrence du président de la République".
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