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Le service militaire, le retour d'une institution qu'on pensait disparue

En 1996, Jacques Chirac annonce la fin de la conscription. Rares sont les voix à s'élever pour regretter la dimension civique des dix mois du service militaire. Aujourd'hui, retournement de situation, pour les 56% de Français qui s'y déclarent favorables, cette dimension est omniprésente. Toutefois, reste à savoir si ce rôle est réellement celui de l'armée.
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (Des jeunes appelés à la caserne de Laval en Mayenne © Sipa Press)

La fin de la conscription

Le 28 mai 1996, Jacques Chirac est Président depuis tout juste un an et dans une déclaration solennelle en direct de son bureau à l'Élysée, il s'apprête à changer radicalement la vie de millions de jeunes hommes.

"La conscription traditionelle ne répond plus aux exigences d'une armée moderne !"

Ne répondant plus aux exigences de l'armée, la conscription doit disparaître. Concrètement, cela signifie la fin d'une véritable institution française, héritage de la Révolution mais rendue nationale, obligatoire et d'une durée égale pour tous (deux ans). Le service militaire, devenu "service national" avec la réforme de 1965. Et au moment de sa suppression, par une loi de Pierre Joxe de 1993, il ne dure plus que 10 mois.

Professionnaliser l'armée et supprimer le service militaire, ce n'est pas une exception française de l'époque, cela s'inscrit plutôt dans la pensée du moment. Entre 1995 et 2001, la Belgique, l'Espagne, le Portugal suppriment eux-aussi la conscription. Dans le cas français, c'est en s'appuyant sur des arguments essentiellement géostratégiques que Jacques Chirac justifie cette mesure, la fin de la guerre froide ayant joué un rôle décisif dans la décision. Toutefois, il ne faut pas oublier que la suppression se fait dans un contexte de diminution des bugets alloués à l'armée, et que la population française y est largement favorable.

 

Un ancien ministre de la Défense et de l'Éducation Nationale s'inquiète des conséquences

Aussi, la disparition de la conscription est accueillie très favorablement, y compris dans l'armée. Mais s'il y en a un qui y est farouchement opposé, c'est l'ancien ministre de la défense et de l'éducation nationale, le souverainiste Jean-Pierre Chevènement. Outre la crainte d'un affaiblissement de l'armée française et d'une subordination aux Américains et à l'OTAN, il s'inquiète d'une autre conséquence.

"La conscription était un devoir assumé par la jeunesse vis-à-vis du pays, un repère fort, un sentiment d'appartenance ! "

La dimension civique du service militaire qu'il regrette, Jean-Pierre Chevènement ne l'a pas découverte en 1996. Ainsi, déjà en 1975, lors d'une de ses causeries au coin du feu, Valéry Giscard d'Estaing rappelait son importance

"Le service permet aux jeunes français de toute condition de se connaître et de se rencontrer. "

Le rôle de l'armée ou de l'école?

Aujourd'hui, presque vingt ans après sa disparition, c'est cet aspect du service militaire qui est au coeur d'un regain d'intérêt pour la conscription. Il faut dire que la Journée d'appel et de préparation à la défense, puis la Journée défense et citoyenneté supposée prendre la relève à ce sujet est bien loin du compte, journée étant au singulier dans les deux cas. Aussi, si aujourd'hui plus d'un Français sur deux souhaite le retour du service militaire, c'est essentiellement sa dimension civique qui est mise en avant. Dimension civique que l'on s'était efforcé de faire oublier en 1996. Reste à savoir si former des citoyens n'est pas davantage le rôle de l'école que celui de l'armée.

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