Quand des journalistes démissionnaient de L'Express au nom de l'indépendance (1971)
Retour à la toute fin du mois de juin 1970. Une élection législative partielle se tient dans la première circonscription de la Meurthe-et-Moselle, celle de Nancy-Nord. Et son vainqueur est loin d’être un inconnu. Son nom, Jean-Jacques Servan-Schreiber. Il a décidé de se lancer en politique, une grosse année plus tôt, à la suite de la démission du général de Gaulle. Certes il s’était bien présenté en vain en 1962 dans le Pays de Caux, mais au sein du Parti Radical qu’il dirigera plus tard, Servan Schreiber se lance vraiment en politique en 1970, avec un discours réformiste et résolument européen.
Son élection à Nancy inquiète la rédaction de l’Express, le magazine qu’il a fondé en 1953. Certes, depuis son élection, JJSS n’occupe plus de fonction hiérarchique, mais il dispose encore de 40% du capital du magazine et il continue d’y publier des edito, précédés il est vrai de la mention :
"Jean-Jacques Servan-Schreiber, député de Nancy, exprime ici librement ses opinions personnelles."
Mais en juin 1971, la crise qui couvait depuis plusieurs mois éclate. Onze journalistes, dont le rédacteur en chef Claude Imbert démissionnent. Ils fondront Le Point un an plus tard.
Vous allez entendre successivement Servan Schreiber et Claude Imbert:
-JJSS: "Ça fait 17 ans que j'ai crée L'Express, je l'ai développé, je sais ce qu'est un journal et bien qu'étant devenu homme politique, je sais ce qu'est le journalisme. L'inféodation de L'Express au pouvoir, c'est ce qu'il y a de pire mais son inféodation aussi à des mouvements politiques serait très mauvaise. Jamais je n'abîmerais moi-même un journal que j'aime, parce que je l'ai fait naître."
-C. Imbert: "Nous sommes, vous savez, des artisans. Nous ne sommes pas des vedettes. Nous ne pouvons pas, d'une certain façon, aliéner notre indépendance ."
A l’heure où L’Express fait face à un plan social douloureux sur fond de reprise en main du groupe par un homme d’affaires, souvenons-nous donc, d’un autre temps où, au nom de l'indépendance, c’était les journalistes qui choisissaient de partir...
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