Ils ont fait l'actu. L'astrophysicien Pierre Guillard raconte "l'aventure incroyable" du télescope James Webb, "un rêve de gosse"
Sandrine Etoa-Andegue revient sur les événements marquants de l'année. Et ce sont ceux qui les ont vécus qui les racontent. L’astrophysicien Pierre Guillard a participé à l'élaboration du télescope spatial James Webb, qui vient d'envoyer ses premières images.
25 décembre 2021, un Noël un peu spécial pour Pierre Guillard. Dans son salon en région parisienne, l’astrophysicien assiste en famille au lancement du télescope spatial James Webb depuis le Centre spatial guyanais de Kourou. Il fait partie de l'équipe internationale qui a conçu le télescope infrarouge révolutionnaire, dont la mission est de percer les mystères de l'univers et la naissance des premières galaxies.
La mission de ce bijou de technologie, c’est de nous permettre de faire "beaucoup de pas en avant sur la connaissance de notre système solaire, la composition chimique de la surface des astéroïdes par exemple. Les astéroïdes sont des objets très petits. Il faut un télescope extrêmement puissant, extrêmement fin pour les observer. Et ça, c'est assez unique en fait", explique Pierre Guillard. C'est l'aboutissement de plus de 30 années de travail collectif pour plusieurs dizaines de milliers de personnes chercheurs, ingénieurs, techniciens du monde entier. Pierre Guillard, lui, a spécifiquement travaillé sur Miri, une des caméras embarquées sur le télescope. Ces derniers mois, le scientifique a suivi chaque étape du voyage dans l'espace du James Webb, avec, à chaque étape, une dose de stress et d'émotions.
Le jour du lancement, il avoue avoir versé sa "petite larme. C'était un moment très impressionnant. Les enfants ont aussi réalisé qu'il y avait 'la fusée de papa', même si je n'ai rien à voir avec le lancement. C'était un moment émouvant en famille. Et ensuite, on a suivi le voyage du télescope et en croisant les doigts pour que tout se déplie bien et que tout marche bien", commente Pierre Guillard.
L'aboutissement après des mois d'angoisse et de tensions
Malgré toutes les précautions des années de travail et l'investissement, le matériel de pointe, les milliers de chercheurs dont Pierre Guillard ont connu de longs mois d'angoisse et de stress entre le lancement et les premières images. "Il y a beaucoup de choses qui auraient pu mal fonctionner. Il y a eu une aventure incroyable dans ce projet. Il y a eu des cyclones, il y a eu des retards, il y a eu des accidents de parcours. Ça n'a pas été un chemin linéaire du tout, donc oui, il y a eu énormément de stress. Le déploiement du télescope, c'était quelque chose d'incroyable. Il y avait 300 points qui pouvaient mal fonctionner. Tout le monde tremblait. Quand on a eu la première image nette de cette étoile de calibration, on s'est dit 'wow, ça marche cette fois'," clame Pierre Guillard.
L’autre aboutissement, cela a été de voir les premières images du télescope diffusées en simultané dans le monde entier le 12 juillet, "un moment d'émotion intense. Là, on mesure tout le travail qui a été accompli pendant 30 ans. C'est pas si simple pour le grand public parce que c'est un télescope qui voit de la lumière que notre œil ne peut pas voir, une lumière infrarouge. Et tout ça, il faut expliquer en quoi c'est différent par rapport à ce qu'on a fait avant ce télescope. Il est très évocateur en fait de voir l'invisible et ça, c'est quelque chose que je trouve assez poétique", dit Pierre Guillard.
Plusieurs clés de compréhension seront révélées avec ces images. "C'est vraiment une machine à remonter le temps. Encore plus performante que Hubble, la précédente génération, ou que Spitzer, le satellite infrarouge. Et donc, du coup, on va essayer de remonter à cette première lumière. Donc c'est vraiment remonter à l'origine du monde, nos origines à nous. Et c'est ce que va faire vraiment James Webb. Après le big-bang, il y a eu de la nuit, il y a eu de l'obscurité, il n'y avait pas encore d'étoiles et avec ce télescope, on va voir, on va être témoins pour la première fois de l'allumage des premières étoiles et des premières galaxies", s'enthousiasme Pierre Guillard.
"On va voir les premières lueurs de l'univers qui ont engendré ensuite les planètes, les étoiles. La vie, c'est vraiment remonter à nos propres origines."
Pierre Guillardà franceinfo
Une passionnante phase d'observation de toutes ces données s’ouvre à présent avec les données massives que fournit le télescope : "Je vais y travailler malheureusement pendant mes vacances, parce qu'il y a une des images qui a été publiée le 12 juillet qui est l'image du quintet de Stephan. C’est un groupe de galaxies qui dansent ensemble en fait, qui interagissent ensemble gravitationnellement. Et il se trouve que c'est l'objet sur lequel j'ai travaillé pendant ma thèse", commente Pierre Guillard.
Ce projet représente une part importante des activités de Pierre Guillard, "c’est à la fois un rêve d'enfant et un projet qui prend beaucoup de place scientifiquement dans ma carrière de chercheur. C'est vraiment l'instrument rêvé pour faire la science que j'ai envie de faire. Avoir l’opportunité de se mobiliser techniquement pour un instrument, mais ensuite l'utiliser, c'est un peu comme si on recevait un super cadeau de Noël. Manipuler un télescope comme ça, l’utiliser, recevoir des données du télescope le plus impressionnant, du projet le plus pharaonique qui a été fait. Oui, c'est un rêve de gosse."
Le télescope James Webb a assez de carburant pour fonctionner pendant 20 ans. De quoi largement abreuver les astronomes de nouvelles découvertes cosmiques.
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