Festival d'Aix : le triomphe de "Samson" de Jean-Philippe Rameau

C'est un pari fou et réussi que le chef d'orchestre Raphaël Pichon s'est lancé avec le metteur en scène allemand Claus Guth, celui de reconstituer un opéra censuré à sa création en 1733 et jamais joué depuis : "Samson".
Article rédigé par Thierry Fiorile
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
"Samson" de Rameau au Festival d'Aix-en-Provence 2024. (MONIKA RITTERSHAUS)

Pour réaliser cette prouesse et redonner vie à Samson, l'opéra perdu de Jean-Philippe Rameau, le chef d'orchestre Raphaël Pichon et le metteur en scène allemand Claus Guth ont dû fouiller dans les carnets de Voltaire, auteur du livret original disparu, et s'appuyer sur le Samson de la Bible et des ouvrages savants. La dramaturgie est limpide, épurée des lourdeurs de l'époque. Musicalement, on savait que Jean-Philippe Rameau avait utilisé, dispersé, la partition dans ses œuvres suivantes, encore fallait-il y mettre bon ordre et suivre son instinct.

"Même s'il a livré beaucoup de chefs d'œuvre, d'immenses chefs d'œuvre, il y a toujours ce petit regret : et si Rameau avait écrit un grand mythe d'Orphée ?"

Raphaël Pichon, chef d'orchestre

à franceinfo

"Si Rameau avait écrit une grande Médée, une œuvre clé en face d'un grand drame, je suis sûr que cette œuvre, elle voyagerait à travers le monde aujourd'hui", assure le chef d'orchestre Raphaël Pichon. "Et donc cette opportunité de cette histoire de Samson incroyablement universelle, entre ombre et lumière, entre foi et fanatisme, humanisme et politique, ce premier grand meurtrier de masse, ce premier kamikaze de notre histoire, je trouvais une raison fondamentale de tenter cette expérience, ce laboratoire autour de Samson", ajoute-t-il.

Les voix sublimes des deux rôles féminins

Sur scène, les ruines d'une grande demeure, comme si on commençait par la fin, quand Samson, ivre de foi et d'amour impossible, détruit ses ennemis et meurt avec eux. En écho à cette violence, portée par le baryton Jarett Ott, la clarté du chœur et les voix sublimes des deux rôles féminins, Dalila, Jackelyn Stucker et la mezzo-soprano Léa Desandre, en Timna, première épouse de Samson, ravie d'entrer dans le répertoire tragique. "Je suis entrée en contact avec une partie de mon être que je ne connaissais pas. En tout cas, je le connaissais, mes proches le connaissaient, mais je ne l'avais jamais dévoilé au public et je n'avais jamais osé vraiment le montrer et le vivre pleinement et me sentir crédible dans ses rôles de drama queen", explique Léa Desandre. "Et en fait, je kiffe, car vous n'avez pas idée du plaisir que c'est les femmes qui finissent ensanglantées, c'est vraiment très plaisant, quand ça se passe juste sur scène".

Samson de Rameau est au festival d'Aix-en-Provence jusqu'au 18 juillet.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.