Jacques Weber au théâtre Déjazet à Paris : un Avare terrible et très réussi
Dès son entrée en scène, Jacques Weber impressionne. Ce n'est pas un petit avare, un Harpagon maigrelet engoncé dans son costume. Non, le comédien en impose. Il est un avare le ventre en avant, le regard sombre, une très grosse voix, des mains énormes. Il est un peu débraillé dans sa chemise, mal rasé, les cheveux blancs en bataille. Et il gronde, tonne, hurle. Harpagon, ce vieux tyran domestique, fait régner la terreur chez lui et dans la salle on n'entend pas une mouche voler. "L'autorité féroce de cet homme fait parfois peur aux spectateurs et j'aime beaucoup ça " observe Jacques Weber "J'aime beaucoup que ça sorte du cadre: "Foutez-moi la paix ! Non ! Coquin !" les gens se disent "mais qu'est-ce que c'est que ce fou ! "..
Un avare effrayant qui nous fait trembler mais qui nous fait rire aussi, parfois aux éclats, et qui finit par nous bouleverser. La scène finale, le vieillard assis, seul, les mains sur sa précieuse cassette, est déchirante. Pour Jacques Weber "Harpagon n'est pas une caricature d'avaricieux mais un personnage hautement paradoxal, contradictoire et très humain. C'est un homme qui, par goût immodéré de l'argent et de la possession, fait le désert autour de lui. Symboliquement c'est très intéressant : faire le désert autour de soi, c'est le contraire de la fertilité, le contraire de la puissance ".
Une complexité servie par un Jacques Weber ultra facile. Il faut dire que le comédien est "Né avec cette langue dans la bouche ". Il raconte que c'est en allant voir précisément l'Avare, à l'âge de neuf ans, à la Comédie Française, qu’il décide de faire du théâtre. Et depuis le Conservatoire et les années 70, il en a monté et joué des pièces de Molière : l'Ecole des Femmes, les Fourberies de Scapin, le Tartuffe, le Misanthrope...il lui manquait l'Avare, c'est chose faite. Avec un plaisir toujours égal : "Pour un acteur j’ai presque envie de dire que ce sont des charentaises tellement c’est bien écrit. On n’a rien à sauver" sourit le comédien "Il faut juste se laisser guider par le génie absolu des situations. Molière en fait c’est un Tchekhov du 17ème français ! C’est l’art suprême de la comédie. L’opposition douce, fragile, sensible, des deux extrêmes de la vie qui sont la farce et le tragique. Et c’est vrai que je me sens chez moi dans cette langue."
L’Avare, avec Jacques Weber et une troupe de comédiens assez formidables, mis en scène par Jean-Louis Martinelli, c’est au théâtre Déjazet à Paris jusqu’au 2 janvier.
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