Mireille Dumas lance sa chaine YouTube INA : "J’avais envie d’aller toucher un autre public, plus jeune"

Avec "Bas les masques" ou "Vie privée, vie publique", Mireille Dumas investit YouTube avec l’INA. Elle nous offre la possibilité de voir ou revoir ses émissions, ainsi que l’occasion de savoir ce que sont devenus certains de ses témoins anonymes.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Mireille Dumas, journaliste, réalisatrice, productrice et animatrice de télévision française. (franceinfo)

Mireille Dumas est l'une des reines de la confession à la télévision. Cela fait 40 ans qu'elle fait témoigner des célébrités et des anonymes à travers des émissions ou des documentaires. La présentatrice de "Bas les Masques", "Sexy Folies" ou encore "Vie privée, vie publique" a désormais sa propre chaîne sur YouTube en collaboration avec l'INA, l'Institut national de l'audiovisuel. Forte de 44 000 abonnés, il est possible de voir ou revoir ses anciennes émissions. Et puis chaque mois, petite cerise sur le gâteau, avec "Mireille Dumas retrouve", la journaliste revoit un invité qui raconte ce qui s’est passé dans sa vie depuis son témoignage.  

franceinfo : Ça faisait longtemps qu'on vous demandait de rassembler toutes vos émissions sur un même contenu, sur Internet ou ailleurs ?

Mireille Dumas : Oui et non, mais c'est une idée en tout cas que j'avais, en voulant vraiment aller toucher un autre public. Et avec l'INA, on a pu lancer cette chaîne.

Un autre public, c'est-à-dire plus jeune ?

Oui bien sûr, on sait bien que sur les chaînes historiques, le public a tendance à vieillir et, malheureusement, le jeune public ne va plus forcément regarder la télévision. Là, je m'aperçois qu'on a un public sur les tranches de 25-34 ans. Donc beaucoup plus jeune.

Et que vous dit-il ? Y a-t-il des commentaires ?

Beaucoup de commentaires. Il y a tous ceux qui sont contents de retrouver ces émissions, les moins jeunes, les gens comme moi ! Et effectivement les plus jeunes, qui découvrent et qui sont très étonnés de voir qu'on a abordé à l'époque tous ces thèmes actuels. Toutes sortes de gens regardent et ils ont été très nombreux à me poser la question : "Que deviennent les personnes que vous avez interviewées ?"

Une particularité de cette chaîne, c’est qu'il y a vos anciennes émissions, mais aussi "Mireille Dumas retrouve" une fois par mois. Vous avez retrouvé, 30 ans après, Linda, qui avait fait un témoignage en tant que fille-mère. Elle avait 14 ans et venait d'avoir un bébé toute seule. Vos retrouvailles sont assez émouvantes, Linda vous avait-elle marquée ?

Oui, elle m'avait marquée par son déterminisme, par la force qu'elle avait toute jeune en ayant ce bébé. Sa parole était en même temps un appel au secours et en même temps on sentait que ça la structurait. J’ai retrouvé, 30 ans après, une maman de 44 ans qui a eu un autre enfant, qui a mené sa vie, qui parle en plus avec beaucoup d'humour des hommes de sa vie. Mais en même temps, elle raconte les difficultés qu'elle a traversées, les préjugés etc. Elle a construit sa vie de façon absolument exceptionnelle et elle fait mentir, en fait, toutes les prévisions qu'elle allait être une fille perdue. Au contraire, sa fille l'a structurée, c'est formidable.

Êtes-vous resté en contact avec certains de vos témoins ?

Certains. Le temps passant, de moins en moins. Donc toute la difficulté est de les retrouver, parce que souvent les téléphones ont changé. Les comptes Facebook sont très utiles.

Cette chaîne YouTube va peut-être permettre à certains de se manifester d'ailleurs .

Exactement. On a lancé un appel, bien sûr, sur la chaîne INA Mireille Dumas.

Serait-ce possible de refaire des émissions comme les vôtres avec les réseaux sociaux ? Là, par exemple, le témoignage de Linda ferait sûrement qu'elle s'en prendrait plein la figure...

Non. Regardez, on l'a publié. Elle ne s'en ait pas du tout pris plein la figure. Au contraire, les internautes ont été très intéressés, très émus. Les témoignages sont franchement à 99 % positifs. Donc oui, nous pouvons envisager les réseaux sociaux. Quand j'ai lancé "Bas les Masques" dans les années 90, "Vie privée, vie publique" en 2000, puis d'autres choses, à chaque fois, on me disait : "Mireille, des interviews rapides !". Il faut aller vite et à chaque fois, j'ai fait le contraire. J'ai donné du temps au temps et je m'aperçois qu'on écoute, que les jeunes écoutent aussi, les interviews longues sur la chaîne.

Justement, c'est parce que ce sont des interviews longues que vous arrivez à faire dire à ces gens des choses très intimes. Quel est votre secret à part la durée ?

Cela demande de travailler, mais d'y aller à l'instinct, de bien écouter, d'être vraiment intéressée par l'autre. Et de voir aussi au-delà de l'intérêt pour l'autre, de vouloir placer son histoire évidemment dans une histoire collective, c'est-à-dire la place de l'individu dans la société, ce n'est pas uniquement de l'intime pour l'intime, sinon ça n'a aucun intérêt.

Vous avez parfois été accusée de voyeurisme.

Bien sûr. C'est arrivé dans les années 90. Pas au début. Au début, c'était absolument formidable, et puis après, pendant une bonne année ou deux, ça a été très compliqué parce que les reality shows arrivaient. Ils reprenaient un peu ces thèmes et puis c'était : "On va vous dire, juste après la pub, comment cette jeune femme a été violée", des choses comme ça. Je me suis alors retrouvée un petit peu amalgamée dans tout ça. J'ai continué à faire ce qui me ressemblait, ce que je croyais être important et puis on a traversé avec mes invités ces polémiques.

Mais avec le recul, vous ne vous dites pas : "Oui, parfois, c'était un peu limite" ?

Non, non, pas du tout.

Parce que c'étaient des sujets tabous à l'époque. Vous avez été une des premières à parler de la prostitution, de l'inceste, des violences conjugales, etc.

Ça a été difficile. Les hommes, parfois, n'ont pas toujours été très chaleureux, notamment des hommes d'antenne. Ils se moquaient parce que j'abordais les violences faites aux femmes, aux enfants et qu'ils trouvaient qu'effectivement ce n'était pas un sujet.

"Aujourd'hui je m'aperçois à quel point on a fait bouger les lignes."

Mireille Dumas

à franceinfo

De même, quand vous abordez l'homosexualité et la transsexualité - qui aujourd'hui est devenue la transidentité, on a changé le mot pour bien préciser que c'était un problème d'identité - je sais que ça faisait beaucoup rire.

Il y avait des stars qui se confiaient comme Catherine Ringer, la chanteuse de Rita Mitsouko. On peut la revoir sur votre chaîne qui parle des films pornos qu'elle a faits, de sa sexualité. Pensez-vous qu'une célébrité pourrait encore le faire aujourd'hui ?

Non, impossible. Ça, c'est le milieu des années 80 et je souligne, avant les années sida. J'ai vécu cette période où on parlait très librement de sexualité. Même moi, quand je regarde en particulier l'émission "Sexy Folie", je ne me reconnais pas. Je me dis que les questions sont là vraiment incroyables et tout le monde, tous les artistes, même Jack Lang, Michel Blanc, tout le monde venait et parlait très librement.

Pourquoi ce serait impossible aujourd'hui ?

Impossible à cause des réseaux justement, la petite phrase, le buzz qui va tourner en boucle. Et puis il y a moins de légèreté avec la sexualité aujourd'hui. Le sida est passé par là, et puis beaucoup d'autres choses. C'est une époque différente.

Qui rêviez-vous d'interviewer qui a toujours refusé ?

Qui a toujours refusé ? Je vais vous répondre dans le sens contraire ! C'est plutôt drôle. Je voulais absolument interviewer François Mitterrand. On a été reçus avec le rédacteur en chef de l'époque par Jacques Pilhan, son conseiller. Il avait trouvé avec lui que c'était une très bonne idée qu'une femme vienne l'interviewer. Et à un moment donné, il me dit dans la discussion : "Alors, comment s'appelle-t-elle ? Comment allez-vous appeler cette grande émission ?" Et comme je faisais "Bas les Masques", j'étais très naïve, j'arrivais à l'antenne pour les premières fois, je réponds : Eh bien, "Bas les Masques". Il m'a regardé et m'a dit :"Vous n'y pensez pas ?" Et quand on a su après, effectivement, ce qu'avait à cacher le président François Mitterrand, je comprends mieux ! Après, j'ai essayé de rattraper le coup, mais c'était trop tard. Il s'est dit : "Non, non, non. On est parti dans un très mauvais plan".

Est-ce que la télévision vous manque ?

Ah non, pas du tout, puisque d'abord j'en fais. Ce qui m'intéresse, c'est d'être intervieweuse, d'être réalisatrice. C'est ce que je fais en faisant des documentaires, et maintenant aussi avec la chaîne YouTube. Comme j'ai fait beaucoup de portraits d'artistes ces dernières années, j'avais très envie de repartir avec des anonymes, comme j'ai pu le faire quand j'ai fait mon film sur les éboueurs, il n'y a pas longtemps. C'est ce que je fais avec la chaîne YouTube et ça me plaît.

 

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