Quand la musique nous manipule
Plusieurs scientifiques font le point sur les différentes façons dont la musique peut agir sur notre cerveau. Parmi eux Nicolas Gueguen, enseignant-chercheur en psychologie sociale, explique pourquoi nous devrions davantage nous méfier de la musique qui est diffusée lorsque nous entrons dans un magasin ou dans un restaurant. Cette musique pourrait avoir une influence non négligeable sur ce que nous consommons et donc sur le montant de la facture à l'arrivée. Plusieurs études le montrent.
Une influence commerciale
Des chercheurs américains et australiens ont montré que lorsque l'on diffusait de la musique classique dans une boutique de vins, le montant des achats des clients était multiplié par deux et demi. Ce n'est pas le nombre de bouteilles achetées qui augmentait mais la qualité des vins. La musique classique pousse les clients à acheter des vins plus prestigieux.
Il s'agit d'un bel exemple de ce que les chercheurs appellent "un amorçage cognitif". Une première stimulation, à laquelle on ne fait pas forcément attention, prépare le cerveau à traiter d'autres informations de façon sélective.
Dans le cas présent la musique classique a certainement amorcé dans le cerveau des clients des mots tels que culture, raffinement, prestige. Ces mots ont à leur tour préactivé des noms de châteaux prestigieux, conduisant les acheteurs à choisir des vins plus raffinés.
Des chercheurs britanniques ont montré que si on diffusait dans les rayons d'un supermarché, une musique folklorique allemande, les consommateurs achetaient préférentiellement des petits vins blancs du Rhin. En revanche avec une musique folklorique française, les clients choisissaient des vins de nos terroirs.
Le plus étonnant est que dans cette étude les clients ont prétendu que la musique n'avait eu aucune influence sur leur choix.
L’importance du tempo
Une étude menée dans un restaurant, par un chercheur américain, a comparé le comportement de clients exposés par un même morceau de musique (du jazz) mais joué à des vitesses différentes.
Le chercheur a constaté que le comportement des clients changeait selon le tempo de la musique. Les personnes qui entendaient le morceau joué à un tempo de 70 battements par minute sont restées plus longtemps à table, ont consommé plus de boissons, et commandé davantage de desserts et de cafés que les clients exposés au même morceau joué à un tempo plus rapide (92 battements par minute).
Il semble que le tempo de 70 battements par minute nous convienne particulièrement bien. C'est ce qu'a démontré un neuropsychologue japonais. Il a proposé à des volontaires d'ajuster à leur convenance, le tempo d'une musique jouée par un ordinateur. Il s'est aperçu que la plupart des gens ajustaient le tempo à la fréquence des battements de leur propre cœur : la fréquence cardiaque des humains se situe généralement autour de 70 battements par minute.
Le volume
Selon des études menées dans des bars, pour un même style de musique les clients soumis à un volume sonore de 88 décibels commandent davantage de verre (en moyenne 28% de plus) que ceux attablés dans une ambiance à 72 décibels.
On pourrait penser que c'est parce que moins on parvient à s'entendre plus on s'occupe en buvant mais des chercheurs avancent une hypothèse un peu plus biologique. Selon eux le volume sonore créerait un état d'excitation de l'organisme, qui aurait besoin de s'alimenter et de se désaltérer davantage. Mais le mécanisme de cette excitation reste à élucider.
Je ne voudrais surtout pas que toutes ces considérations refroidissent les ardeurs de ceux qui s'apprêtaient à célébrer comme il se doit la fête de la musique.
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