Prolifération d'un ver de terre d'Argentine : "Je ne vois pas comment on pourrait éradiquer une invasion de cette ampleur" s'inquiète un zoologiste
Un ver de terre originaire d'Argentine est en train d'envahir les jardins français : le Obama nungara, et il représente une menace potentielle pour la biodiversité.
Jean-Lou Justine est parasitologiste et zoologiste français, et professeur au Muséum national d’Histoire naturelle à Paris. C'est lui qui a alerté sur la prolifération du ver de terre Obama nungara venu d'Argentine. Invité sur franceinfo vendredi 7 février, Jean-Lou Justine explique que le Obama nungara "ne connaît aucun prédateur". Le zoologiste ne voit pas "comment on pourrait éradiquer une invasion de cette ampleur".
franceinfo : À quoi ressemble ce ver de terre argentin ?
Jean-Lou Justine : Le Obama nungara, c'est un animal plat. La couleur varie du marron orange au presque noir. Il fait de 5 à 10 cm de long et 1 cm de large. Il se déplace lentement, c'est bien caractéristique d'un verre plat. Et il ne sort presque que la nuit. C'est un animal qui va manger les autres animaux du sol et en particulier les vers de terre.
Est-ce qu'il représente une menace pour la biodiversité et est-ce que les autres vers pourraient disparaître ?
C'est une menace potentielle. Dire que les vers de terre vont disparaître, on n'en est pas là. Par contre, ce qu'on sait, c'est que dans certains jardins, il y a des centaines ou même des milliers de ce ver invasif, et que s'ils sont là, c'est qu'ils se sont nourris et que donc, probablement, ils ont fait baisser les populations des vers de terre de ce jardin.
Comment est-il arrivé en France ?
Les plathelminthes (la famille du Obama nungara) ne volent pas. Donc leur seul moyen pour passer d'un continent à un autre, c'est le transport des plantes en pot. Et un Obama nungara, posé sur l'humus dans un pot de fleurs, est pratiquement invisible. Donc il peut voyager et passer d'Argentine jusqu'en Europe. On a des signalements dans 73 départements. On a eu le 73e la semaine dernière. C'est les trois-quarts des départements français. Une des observations de notre travail, c'est qu'on n'a aucun signalement plus haut que 500 mètres.
Est ce qu'il a lui-même des prédateurs et est-ce qu'on peut s'en débarrasser ?
En Europe, en France, on ne connaît aucun prédateur, malheureusement. Aucun animal ne peut manger cet Obama nungara. Et il n'y a pas de moyens connus pour s'en débarrasser. Il n'y a pas de prédateurs et il n'y a pas de produits chimiques autorisés ou homologués pour se débarrasser de ce ver plat. Avec les trois-quarts des départements français envahis et des milliers de jardins envahis, je ne vois pas comment on pourrait éradiquer une invasion de cette ampleur.
Est-ce que l'on va se faire à ce ver invasif et que l'écosystème va s'adapter, ou est ce qu'il y a vraiment un risque de voir disparaître certaines espèces de vers de terre qui sont très utiles pour les jardins ?
Il y a un risque. Le risque n'est pas seulement pour la biodiversité, c'est le nombre de vers de terre. On ne pense pas tout de suite qu'il va y avoir des espèces de vers de terre qui vont disparaître. Par contre, le nombre de vers de terre de chaque espèce peut être diminué dramatiquement. Mais là aussi, il faut faire des études. On ne le sait pas encore avec précision. On en est au tout début. Il faut quand même rappeler que le premier signalement de Obama nungara, en France, c'est 2013. On en est au tout début du travail. Dans les années 1960, quand j'étais petit, il y avait l'invasion de la fourmi d'Argentine dans le sud de la France. Elle a tout envahi et elle est toujours là.
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