Louvre-Lens : un pari risqué
C'est sans doute l'une des décisions
les plus audacieuses de l'histoire de l'aménagement du territoire : implanter
à Lens, au cœur du bassin minier en crise, une antenne du plus célèbre musée du
monde. Un choix téméraire car, sans vouloir fâcher personne, il faut dire les
choses comme elles sont : Lens est l'une des agglomérations les plus
déshéritées du pays. Non seulement les mines ont fermé, mais tous les
indicateurs ou presque sont au rouge : pauvreté, chômage, mortalité, échec
scolaire, alcoolisme...
Choisir ce lieu pour ériger un nouveau temple de la
culture classique n'allait donc vraiment pas de soi.
Dès lors, il y a deux façons de
voir les choses. On peut être pessimiste, et considérer que la puissance
publique jette l'argent par les fenêtres. Beaucoup d'argent, en l'occurrence,
car cet équipement aura tout de même coûté la bagatelle de 150 millions d'euros
en investissement, auxquels il faudra ajouter chaque année 15 millions pour le
fonctionnement.
Les inquiétudes sont d'autant
plus grandes que les conditions du succès ne sont vraiment pas réunies. A la
différence du centre Pompidou de Metz, le Louvre de Lens ne se trouve pas à quelques
mètres de la gare, mais à plus de 20 minutes de marche. Et surtout, aucune
politique d'accompagnement n'a encore été mise en place. Les hôtels censés
accueillir les touristes ne sont curieusement toujours pas
construits.
Pourtant, on peut aussi se
montrer optimiste. En se félicitant d'abord que, pour une fois, la France ne concentre pas ses
meilleurs équipements culturels dans la capitale, comme l'avait fait par
exemple François Mitterrand avec ses grands travaux.
En se disant ensuite que ce musée
constitue pour Lens et le bassin minier une chance extraordinaire de changer
d'image et de rebondir économiquement, en suivant le modèle de Bilbao, en
Espagne, avec son fameux musée Guggenheim. La renommée du Louvre est telle que
Lens peut vraiment espérer attirer des touristes de très loin : de Lille
et de Paris, bien sûr, mais aussi de Belgique, d'Allemagne, des Pays-Bas, du
Royaume-Uni. On compte 100 millions d'habitants dans un rayon de 100 km autour du
musée : ce n'est pas rien.
Dès lors, si les collections du
musée sont séduisantes, et elles le seront, et si les élus locaux
comprennent enfin qu'ils doivent changer de braquet, le Louvre Lens pourrait
bien être la première étape de la reconversion du bassin minier.
Le pari est donc risqué, mais
jouable. Verdict dans quelques années.
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