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Course de karting en prison : le débat sur la justice et ses moyens mérite mieux que cela

La compétition de karting organisée fin juillet à la prison de Fresnes provoque une vive controverse.

Article rédigé par Jean-François Achilli
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti à l'Assemblée nationale le 2 août 2022 (ALAIN JOCARD / AFP)

Bizarrement, dans cette affaire, tout le monde a raison. À commencer par Éric Dupond-Moretti, qui a ordonné une enquête après la diffusion des images montrant des détenus pilotant des kartings : un lieu de privation de liberté, où les condamnés sont censés purger leur peine, n’est pas un parc d’attraction. Ce qui a fait dire au garde des Sceaux sur Twitter : "La lutte contre la récidive passe par la réinsertion mais certainement pas par le karting !"

A priori, sa réaction est tout ce qu’il y a de plus logique. Le problème est que son ministère savait, semble-t-il. Une enquête interne doit le déterminer. Elle devrait aller très vite. Le cabinet du ministre était au courant, mais pas le garde des Sceaux personnellement.

Le ministère affirme toutefois qu’il ne savait pas qu’il y avait des karts dans le projet baptisée Kohlantess, diffusée sur You Tube et inspirée du Koh-Lanta de TF1, et dont le but est de récolter des fonds en faveur de trois associations qui œuvrent à recréer du lien social. Il ne savait pas mais… l'équipe de com du ministère était visiblement présente sur place le jour du tournage, le 27 juillet, pour accompagner des journalistes et valider les images avant diffusion.

Un reportage a même été publié deux jours plus tard, dans les pages locales du Parisien. Intitulé "Le Koh Lanta des cités s’évade en prison", l’article relate ce moment de fraternisation entre détenus et gardiens. Ce qui n’a alors ému personne. Il faut dire que nous étions en pleine canicule, au cœur des vacances et des incendies de forêt.

Polémique politique

Mais les images, qui ont tourné en boucle sur les réseaux sociaux, sans contextualisation, ne pouvaient que choquer l’opinion. L’opposition, à la droite de l’échiquier, s’en est emparée. Deux citations parmi d’autres : Marine Le Pen pour le Rassemblement national affirme que "le scandale de Fresnes illustre l’effondrement de l’autorité de l’Etat." Éric Ciotti, chez Les Républicains : "Nos prisons ne sont pas des colonies de vacances."

Le député insoumis Louis Boyard, en réaction, rappelle les mauvaises conditions de détention à Fresnes et plaide pour y ramener un peu d’humanité. À y regarder de plus près, les trois avis ne sont pas contradictoires. Les chiffres de la délinquance sont dans le rouge. Les Français ne font pas confiance au gouvernement pour régler les problèmes d’insécurité. Et la récidive après la prison reste encore trop élevée en France.

La récréation de Fresnes, à l’ère des réseaux sociaux, sans totem d’immunité, ne pouvait que déraper. Le débat sur la justice, la prison et la réinsertion mérite mieux qu’une course de karts.

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