Crise de l'énergie : "rationnement", "plan de sobriété"... Elisabeth Borne dramatise-t-elle la situation ?
Élisabeth Borne a exhorté lundi les entreprises à établir d’ici un mois des "plans de sobriété" pour faire des économies d’énergie. La Première ministre agite même le spectre du "rationnement". Pourquoi une telle dramatisation ? L'édito signé Renaud Dély.
L'heure est grave. Et l’inquiétude de l’exécutif est réelle. Avec la menace d’un arrêt total des livraisons de gaz russe, plus de la moitié de nos réacteurs nucléaires à l’arrêt, voilà que le risque de coupures d’électricité se précise en cas d’hiver très froid.
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La semaine dernière, Emmanuel Macron sonnait la "fin de l’abondance et la fin de l’insouciance", et Elisabeth Borne enfonce le clou. Le mot "rationnement" lâché lundi face au Medef est lourd de sens. Et de références. Dans l’inconscient collectif, il renvoie forcément à la période de la guerre et de l’Occupation. Plus près de nous, à l’amorce de la première crise pétrolière, en 1973, le Premier ministre de l’époque, Pierre Messmer appelait les Français à la "discipline civique" pour contrôler leur chauffage et éteindre leurs bureaux la nuit. Cette fois, Elisabeth Borne cible d’abord les entreprises : elle leur réclame des économies et les somme de rendre leur copie d’ici un mois, au début du mois d’octobre, sous peine de subir des mesures coercitives.
Le conseil de défense, tout un symbole
Emmanuel Macron réunira même vendredi un conseil de défense consacré au sujet. Sur le plan pédagogique, c’est l’outil ultime. Un conseil de défense énergétique, sous l’autorité du Président et en comité restreint, avec la cheffe du gouvernement, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, et une poignée de leurs collègues, c’est un indice de plus de la solennité du moment. Un conseil de défense, c’est comme une revue des troupes, on étale les cartes d’état-major, on fait le point sur la stratégie, les forces en présence, les failles du dispositif. Ces dernières années, les présidents successifs y ont eu recours lors de crises terroristes, et surtout, durablement, pour faire face à la pandémie de Covid. Le conseil de défense, c’est un peu la dernière arme pour faire adhérer au credo énoncé par Elisabeth Borne : "Des économies choisies plutôt que des coupures subies"…
Et si ça ne fonctionne pas ? Évidemment, la situation se compliquerait. L’exécutif serait contraint de sortir le bâton, des amendes, des pénalités, des interdictions, pour obliger les entreprises, et sans doute les particuliers, à se serrer la ceinture énergétique. Un tête-à-queue politiquement périlleux puisque le gouvernement continue, pour l’heure, de faire le maximum, et c’est logique, pour limiter et même compenser l’envol des prix de l’énergie.
Or, le plus souvent, ce qui pousse le plus volontiers entreprises et ménages à se convertir à la sobriété, ce n’est pas le civisme, c’est le montant de l’addition.
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