Édito
Chute de Bachar al-Assad : les contradictions des politiques français avec la dynastie Assad

Le dictateur syrien renversé par des groupes rebelles n'a, comme son père avant lui, pas toujours été considéré persona non grata par la classe politique française.
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le président syrien Bachar al-Assad et son épouse Asma arrivent à l'Elysée, à Paris, le 14 juillet 2008. (DOMINIQUE FAGET / AFP)

Emmanuel Macron s’est réjoui de la chute de Bachar Al-Assad, tout en faisant preuve de prudence pour la suite. "Enfin, l’État de barbarie est tombé" a salué Emmanuel Macron, dimanche 8 décembre. "L’État de barbarie" du régime syrien, une expression empruntée au sociologue français Michel Seurat, mort en 1986 alors qu’il était otage à Beyrouth. "Enfin" donc, mais le chef de l’État a aussitôt plaidé pour "la paix et la liberté" en ce "moment d’incertitude".

Une prudence largement partagée au regard du profil des islamistes radicaux qui ont renversé Bachar Al-Assad. L’extrême droite n’évoque d’ailleurs que les dangers de cette situation instable. Le président du RN Jordan Bardella ressuscite le spectre de la menace terroriste et annonce déjà, comme Éric Zemmour ou Éric Ciotti, "un déferlement migratoire" en Europe, oubliant au passage que Bachar Al-Assad a déjà contraint cinq millions de ses compatriotes à s’exiler. 

Entre défiance, soutien et nostalgie


Pourquoi agiter ces peurs ? Parce que l’extrême droite est déjà nostalgique de Bachar Al-Assad. Depuis le début de la guerre civile, Marine Le Pen affiche un faible pour le dictateur syrien, fermant les yeux sur les massacres pour répéter qu’il n’est "pas un barbare". À ses yeux, il était même "la seule solution viable", car il avait le mérite de "nous protéger de barbarie de l’État islamique". L’un de ses amis et ex-conseiller, Frédéric Chatillon, s’est carrément mis au service du dirigeant syrien. Un autre lepéniste, l’ex-député Thierry Mariani a multiplié les voyages à Damas, conduisant, par exemple, une délégation de parlementaires parmi lesquels la sénatrice LR Valérie Boyer qui avait reproché aux Syriens de  quitter leur pays au lieu de faire comme "nos parents et nos grands-parents qui sont restés en France pour combattre le nazisme".

Pour le RN, l’autre qualité de Bachar Al-Assad, c’était d’être l’allié de Vladimir Poutine. En 2016, c’est le maître du Kremlin qui lui avait sauvé la mise en écrasant la rébellion sous les bombes, avec l’approbation conjointe de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, l’insoumis se réjouissant même que "Poutine règle le problème".



La France elle-même n’a pas toujours été en conflit avec le régime syrien. Pendant 53 ans, la dynastie Assad a collé comme un sparadrap à la diplomatie française. Avec des hauts et des bas, au gré des soupçons visant l’implication des services syriens dans certains attentats. Jacques Chirac fut le seul chef d’État occidental présent aux obsèques du père, Hafez Al Assad, en 2000. Avant de se fâcher, cinq ans plus tard, avec le fils, Bachar, accusé d’avoir commandité l’attentat qui avait tué son ami, le Premier ministre libanais Rafic Hariri. Nicolas Sarkozy s’est réconcilié avec le dirigeant syrien en 2008 en l’invitant à Paris en grande pompe. Avant que le déclenchement de la guerre civile ne brise définitivement la relation franco-syrienne. François Hollande fut sur le point d’intervenir militairement en 2013. Onze ans plus tard, le dictateur est tombé et les Occidentaux n’y sont pour rien.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.