Édito
Légalisation du cannabis : à l'inverse de l'Allemagne, la France conserve la réglementation la plus répressive d'Europe

L'Allemagne légalise à partir de lundi la consommation récréative du cannabis. Strasbourg, ville frontalière, va se retrouver entre deux législations, sa maire plaide pour une expérimentation, ce qui n'est pas la ligne soutenue par l'exécutif.
Article rédigé par Bérengère Bonte
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
En France, 45% des 15-64 ans ont déjà fumé du cannabis, contre 27% dans l'ensemble de l'Union européenne. Photo d'illustration. (CLEMENS BILAN / MAXPPP)

Après le Canada et d'autres pays européens, l'Allemagne légalise l'usage récréatif du cannabis  lundi 1er avril. Pourquoi la France, ne s'y risque-t-elle pas ? La maire écologiste de Strasbourg voudrait pourtant l'expérimenter. Jeanne Barseghian va se retrouver à la frontière entre deux réglementations opposées. Les résidents, y compris français, en Allemagne peuvent désormais fumer un joint sur un trottoir, s'ils sont majeurs et le font loin des lieux sensibles comme les écoles. Ils pourront se balader avec 25 grammes ou faire pousser trois plants chez eux via des associations. Alors que de l'autre côté de la frontière, à Strasbourg, continuera de s'appliquer la réglementation la plus répressive d'Europe, selon le Conseil économique social et environnemental (CESE). À Savoir, 200 euros d'amende forfaitaire au premier joint, jusqu'à un an de prison et 3 750 euros d'amende en cas de récidive ou de casier non-vierge, voire cinq ans et 75 000 euros d'amende dans certains cas. L'objectif défendu est de lutter contre le trafic et de faire de la prévention, notamment chez les plus jeunes. Le pays cité en exemple est le Canada où au bout de cinq ans les deux tiers des consommateurs se fournissent désormais sur le marché légal, contre un tiers à l'origine et où la consommation baisse chez les adolescents.

Un million de consommateurs quotidiens en France

En France, le ministère de l'Intérieur cite comme contre-exemple les Pays-Bas, où la mafia n'a pas disparu, obligeant même à protéger le Premier ministre par crainte d'attentats. Ce qui est sûr, c'est que le tout répressif Français ne fonctionne pas mieux. Selon le rapport du CESE, la France détient le record de consommation de stupéfiants en Europe : 45% des 15-64 ans ont déjà̀ fumé un joint, contre 27% dans l'ensemble de l'Union européenne. Et la France compte pratiquement un million de consommateurs quotidiens. Finalement, jamais les gouvernements n'ont imaginé légaliser cet "usage récréatif" en France. Légaliser garderait-il un parfum soixante-huitard laxiste ? "Le pétard du samedi a le goût du sang séché sur les trottoirs", tonne le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. Pour Gérald Darmanin, qui pilote les opérations "place nette XXL", "tant qu'il y aura des consommateurs, il y aura de la drogue".

Porté par l'insistance de très nombreux addictologues, le CESE réclame pourtant une expérimentation encadrée. Chez les macronistes, il y a deux ans, un rapport de la députée Caroline Janvier pointait notamment des enjeux de justice sociale. "Ces quartiers qu'on a laissés aux mains des dealers, expliquait-elle, ce sont leurs habitants qui en payent le prix, pas les habitants des beaux quartiers qui, eux, se font livrer". Des voix à droite, aussi se font entendre : Arnaud Robinet, Gil Avérous, ou encore Boris Ravignon. À gauche, ces derniers jours, Sandrine Rousseau s'est exprimée, ou encore Manuel Bompard dimanche. En Allemagne, la mise en place de la mesure, lundi 1er avril, ne fait manifestement pas que des heureux. Peut-être ne faut-il pas attendre l'unanimité de ce côté-ci de la frontière pour tenter aussi l'expérience ?

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