Édito
Législatives 2024 : la dramatisation des résultats orchestrée par l'exécutif est-elle une bonne stratégie ?

Le président de la République Emmanuel Macron et le Premier ministre Gabriel Attal évoquent des risques de divisions très fortes en France en cas de victoire du RN ou de LFI. Une volonté assumée de dramatiser l'enjeu du scrutin pour permettre aux candidats de la majorité de survivre au premier tour.
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
De gauche à droite : Gabriel Attal, Premier ministre et Emmanuel Macron, président de la République, lors du 84e anniversaire de l'appel du 18 juin 1940, au Mont-Valérien, le 18 juin 2024. (LUDOVIC MARIN / POOL)

À cinq jours du premier tour, mardi 25 juin, l’exécutif dramatise un peu plus l’enjeu des élections législatives. Emmanuel Macron évoque un "risque de guerre civile", Gabriel Attal juge que "le pays joue sa peau". Rien que ça. Le chef de l’État accuse dans une interview à un podcast "les deux extrêmes", comme il dit, de porter des discours qui "peuvent mener à la guerre civile". Le Rassemblement national parce que "l’extrême droite renvoie les gens à une religion ou à une origine" et la France Insoumise parce qu’elle "enferme dans un communautarisme électoral" qui  assigne les individus "exclusivement à leur appartenance religieuse ou communautaire". Quant à Gabriel Attal, il accuse dans Le Figaro LFI et le RN de "carburer à la division et à la stigmatisation" et de s’alimenter mutuellement pour creuser une "grande déchirure du pays" avec "des tensions et des violences à la clef".




Dramatiser à ce point, ce n'est pas certain que cette stratégie soit efficace, mais c'est la seule carte qui reste : nous ou le chaos ! Seule la crainte du saut dans l’inconnu pourrait provoquer un sursaut de mobilisation et permettre aux candidats de la majorité de survivre au premier tour. À l’Élysée, certains conseillers fantasmaient il y a peu sur le vote de la peur qui avait plébiscité le général De Gaulle après la dissolution de juin 68. Désormais, ils espèrent tout juste limiter un peu les dégâts…

Une flambée de violence redoutée


La crainte de troubles n'est pas dénuée de tout fondement non plus. Le souvenir des émeutes de l’été dernier est encore présent, et certains redoutent une flambée de violence en banlieues en cas de victoire de l’extrême droite le 7 juillet. Plusieurs groupuscules d’ultradroite se sont également signalés ces derniers jours, des incidents racistes ont été recensés. Un dirigeant du GUD, fils d’un proche ami de Marine Le Pen, vient d’être condamné pour une agression homophobe lors d’une sortie à Paris pour fêter la victoire de Jordan Bardella aux Européennes.

Le grand historien Michel Winock, auteur notamment d’une œuvre monumentale sur l’histoire des grandes crises démocratiques baptisée la Fièvre hexagonale, évoque lui aussi "l’éventualité d’une guerre civile". "Je n’imagine pas un gouvernement Rassemblement national sans troubles profonds dans le pays", confie-t-il à l’Express. Un pays à cran et des passions identitaires qui se déchaînent. Dans un tel contexte, était-il vraiment raisonnable de dissoudre l’Assemblée nationale quand on prétend soi-même incarner le camp de la raison ?

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