Édito
Rejet du projet de loi immigration : un camouflet pour le ministre de l'Intérieur et tout l'exécutif

L'Assemblée nationale a adopté lundi à 270 voix contre 265 la motion de rejet préalable du projet de loi immigration, défendu par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à l'Assemblée nationale, le 11 décembre 2023. (ALEXIS SCIARD / MAXPPP)

Gérald Darmanin n’imaginait pas une telle issue, il a courtisé les députés un par un pour l’éviter et, une fois l’échec reconnu, il a d’ailleurs présenté sa démission au chef de l’État qui l’a refusé. Au-delà du locataire de la place Beauvau, c’est un camouflet pour l’exécutif dans son ensemble. Et c’est la confirmation, spectaculaire, de ce que l’on sait déjà : le chef de l’État n’a pas de majorité à l’Assemblée. Un signe d’affaiblissement supplémentaire fort mal venu. Au moment où Emmanuel Macron prétend restaurer l’autorité dans les domaines régaliens, il ne parvient plus à affirmer la sienne sur le plan politique. Parce que le climat politique a changé.

La gauche, la droite et l’extrême droite main dans la main


Ce qui semblait impossible il y a encore peu s’est concrétisé lundi 11 décembre à l’Assemblée nationale : l’addition des contraires. La gauche, la droite et l’extrême droite main dans la main pour faire trébucher le gouvernement et voter en faveur du rejet du projet de loi. La Nupes d’un côté, LR et le RN de l’autre mêlant leurs voix pour enterrer le même texte sur l’immigration, mais pour des raisons diamétralement opposées, les uns parce qu’ils le jugent trop répressif, les autres trop laxiste. Le gouvernement prétendait rechercher un texte équilibré, et cette quête du "en même temps" lui revient en boomerang. L’alliance contre-nature allant des Insoumis à l’extrême droite avait déjà failli provoquer l’adoption d’une motion de censure au printemps après le recours au 49-3 sur la réforme des retraites. Cette fois, elle l’a donc emportée. 


 

Qui peut espérer en tirer profit ? À très court terme, peut-être la droite puisque le gouvernement va devoir revenir à la version durcie du texte adoptée par la majorité sénatoriale. Et le soumettre, soit de nouveau aux sénateurs, soit à une commission mixte paritaire. Mais faute de pouvoir constituer une majorité alternative, ni LR, ni la Nupes ne peuvent prospérer sur cette situation de crise.

Au fond, chaque blocage parlementaire semble nous rapprocher un peu plus de l’hypothèse d’une dissolution de l’Assemblée nationale, qui ne dépend que d’Emmanuel Macron. Or, au vu du climat politique, et des sondages, des législatives anticipées feraient sûrement le bonheur électoral du RN. Marine Le Pen l’a bien compris. Elle n'avait pas déposé une motion de rejet, et elle a ordonné lundi à ses troupes de voter celle des écologistes pour torpiller un débat sur l’immigration ! Difficile d’opérer une manœuvre politicienne plus cynique. Mais le chaos politique est à ce prix. Et Marine Le Pen sait que c’est la condition de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.

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