Le mauvais coup fait aux Verts sur le nucléaire
Les vieilles pratiques ont la vie dure dans la Vème République : l’amendement de dernière minute, sorti du bois à l’orée d’un vote sur un projet de loi… c’est encore en 2015 un grand classique en politique, un tour de passe-passe éculé utilisé par le gouvernement à l’occasion de la loi Macron et qui a permis l’adoption d’un amendement autorisant l’expérimentation à Bure dans la Meuse, d’un site d’enfouissement des déchets nucléaires. Une pilule plus qu’amère pour Emmanuelle Cosse, la patronne des Verts :
Sincèrement, il y a une rupture de confiance réelle. Je pense que ça n’honore personne de travailler ainsi quand il y a des grands projets. Sur des sujets aussi complexes et aussi dangereux, je ne crois pas que ça puisse se régler en dix minutes dans un fond de couloir de l’Assemblée nationale. Malheureusement, c’est la pratique qui a cours aujourd’hui.
Une pratique dénoncée par le rapporteur de la loi en personne qui est socialiste, Richard Ferrand :
Je me suis abstenu sur cet amendement car je ne suis pas favorable à cette méthode. Plusieurs fois pendant le débat, des collègues parlementaires avaient déposé cet amendement, plusieurs fois le gouvernement avait indiqué que ça n’avait pas de place dans ce texte et qu’une proposition de loi dédiée permettrait de débattre plus au fond de ce texte.
Une décision du chef de l'Etat
Pourquoi, s’il y avait refus du gouvernement, ce texte est-il revenu dans la loi au dernier moment ? Parce que c’est une décision du président de la République. Tout s’est joué la veille du dernier passage de la loi Macron au Parlement, à l’Elysée. En déplacement en Espagne ce vendredi, le ministre de l’Economie en a dit plus sur le sujet :
Un comité de politique nucléaire s’est tenu ce mercredi sous la présidence du président de la République et en présence du Premier ministre, de la ministre de l’Energie, du ministre des Finances et de moi-même. La décision du président de la République a été qu’on puisse mettre en œuvre cette avancée pour pouvoir justement sur la filière nucléaire pouvoir clarifier la totalité des coûts et la totalité des projets qui sont à mettre en œuvre.
On relèvera l’insistance avec laquelle Emmanuel Macron précise que c'est bien le chef de l'Etat en personne qui a tranché la question. Pourquoi insiste-t-il autant ? Et bien parce qu'il n'était pas favorable à ce que cette question soit traitée dans le cadre de la loi Macron. Elle n'a d'ailleurs jamais été abordée dans les centaines d'heures de débat qui ont précédé l'usage du 49-3.
"C’est vraiment une erreur de gestion politique "
Les ordres sont venus d'en haut et pour les Verts c'est d'autant plus inacceptable qu'ils avaient eu des assurances du gouvernement sur cette question du nucléaire. Entre la majorité et écologistes, il n'y avait déjà plus beaucoup d'atomes crochus, pour Emmanuelle Cosse il n'y en a maintenant presque plus :
Il est certain que ça ne va pas améliorer nos relations entre la majorité et les écologistes. Surtout au moment où le président de la République a défendu le principe de la démocratie environnementale, au moment où ce gouvernement dit qu’il veut vraiment faire des choses en matière d’environnement, cette manière de faire sur la question du nucléaire est totalement en contradiction avec la volonté exprimée. C’est vraiment une erreur de gestion politique.
La patronne des Verts est en colère, elle se sent trahie par le président de la République mais aussi par la ministre de l’Ecologie. Elle dénonce le poids des lobbies et rappelle aussi la promesse de fermeture de la centrale de Fessenheim toujours non tenue. Du côté des défenseurs de l’amendement, du gouvernement et du président, on fait sans doute le pari que l’été et l’actualité permettront d’enfouir le sujet.
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