Quelle philosophie nous laisse Bruno Latour, le penseur "terrestre" disparu à 75 ans ?
Philosophe, sociologue et anthropologue, il s’était d’abord intéressé à l’histoire des sciences et des technique avant d’étudier le droit, la religion, l’égologie, le rapport des humains à la Terre.
Mort dans la nuit du 8 au 9 octobre à 75 ans, le philosophe, sociologue et anthropologue français était respecté dans le monde entier, adulé même aux États-Unis. Le New York Times l’a qualifié de "penseur le plus célèbre de son époque", alors que, en France, nous avons mis beaucoup plus de temps à comprendre l’importance de ses travaux, des questions qu’il a posées sur la table et qui résonnent avec le siècle. Tout au long de sa vie, Bruno Latour a posé les questions essentielles : qu’est-ce que le progrès ? Qu’est ce qu’être être moderne ? À quoi sert la science ? Qu’est-ce que nous en faisons ? Et, surtout, quelles sont nos limites ? Parce qu’il y en a et la force de Bruno Latour est de les avoir désignées.
Le philosophe explique que les sociétés, les dirigeants en particulier, s’illusionnent à planifier, légiférer, organiser la vie sans prendre en considération tout ce qui la rend possible : l’eau, l’air, la Terre en général. Il rappelle que nous ne sommes pas au-dessus du lot sur cette planète. Nous faisons partie du lot, nous ne pouvons pas exister ailleurs que sur la Terre. Et voici la limite : nous n'en aurons pas une deuxième, une moins polluée, une de rechange.
De quoi dépendons-nous pour vivre ?
Avec ce cheminement intellectuel, Bruno Latour a souvent été présenté comme le penseur de l’écologie. En réalité, son sujet d’étude est la pensée de l’existence tout court, lui qui a posé la question de savoir qui nous sommes, où nous sommes et qu’est-ce qu’on décide d’y faire ensemble. Pour s’attaquer au sujet, il s’était démultiplié ces dernières années auprès de tous les publics et sous toutes les formes – conférences, performances théâtrales, expositions. À chaque fois, les mêmes questions : que faisons-nous de tout ce que nous savons ? Qu’est-ce que nous faisons concrètement quand nous avons connaissance du réchauffement climatique, quand nous savons qu’une pratique ici engendre de la déforestation ailleurs, de la pollution des sols, des inégalités ou encore la prolifération de virus ?
La réponse passe par la politique mais, pour Latour, elle commence par un questionnement personnel : à quoi tenons-nous vraiment ? De quoi dépendons-nous pour vivre ? Un air respirable, de l’eau potable, un hôpital, une école, une connexion internet, la 5G, une piscine individuelle, un jet privé ? À quoi tenons-nous ? Pour savoir comment avancer, comment inventer autre chose, ce sont à ces questions qu'il faut répondre. Voilà le défi que nous laisse cinquante ans de pensées de Bruno Latour.
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