Censure du gouvernement : "On demande à toute la classe politique, elle aussi, de se mettre au travail", lance Michel Picon, président de l'U2P

"On veut un Premier ministre le plus rapidement possible, avant la fin de la semaine si c'est possible, et un gouvernement formé" lance, jeudi, Michel Picon, président de l'U2P, alors que le gouvernement de Michel Barnier vient de tomber.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Raymond
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Michel Picon,président de l'U2P, le 5 décembre 2024 (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Si la classe politique est incapable de se supporter, de vivre ensemble, il faut qu'on aille chercher quelqu'un dans la société civile, un grand patron, quelqu'un qui a la capacité d'apaiser le pays, de le gérer", lance, jeudi 5 décembre, Michel Picon, président de l'U2P, l'Union des entreprises de proximité, au lendemain de la chute du gouvernement de Michel Barnier. "On demande à toute la classe politique, elle aussi, de se mettre au travail" poursuit-il.

franceinfo : En début de semaine, l'U2P publiait un communiqué appelant les députés à prendre leurs responsabilités. Il n'aurait pas été responsable, selon vous, en votant la censure et en faisant tomber le gouvernement Barnier ?

Michel Picon : Non, ils n'ont pas été responsables parce qu'on ne fait pas tomber un gouvernement lorsqu'on n'a pas de solution alternative. Je vois aujourd'hui que, malheureusement, il n'y a pas de solution alternative et que les premiers échanges et les premiers débats me font craindre de revivre un film un peu cauchemardesque que nous avons vécu aux mois d'août et de septembre.

La dissolution ?

L'incapacité de trouver un Premier ministre qui convienne à tout le monde. Les entreprises n'ont pas besoin de cette attente. Nous, on veut un Premier ministre le plus rapidement possible avant la fin de la semaine si c'est possible et un gouvernement formé. On a des tas de dossiers qui sont sur la table.

Ce projet de texte budgétaire contenait des efforts budgétaires considérables, de l'ordre de 60 milliards d'euros, des économies demandées aux collectivités locales. Vous faisiez partie de ceux qui dénonçaient certaines mesures en particulier.

Oui, nous avons travaillé avec le gouvernement pour essayer d'améliorer ce texte, notamment sur les allègements de charges sur les bas salaires, sur lesquels on a été entendus, pour ne pas mettre en difficulté des petites entreprises. Ce budget n'était pas parfait, il avait plein de défauts. Mais entre un budget qui a des défauts que l'on peut encore peut-être améliorer et pas de budget du tout, ça bloque tout.

Ça bloque tout. C’est-à-dire expliquez-nous ? L'U2P, c'est plutôt essentiellement des artisans, des commerçants. Concrètement, de quoi ont-ils peur aujourd'hui ?

Ils ont peur d'avoir un carnet de commandes qui se vide. Aujourd'hui, quelqu'un qui souhaitait changer sa chaudière était dans l'attente de la prolongation de la prime rénove. Ça fait partie du budget du projet de loi de finances du PLF. Il n'y a plus de budget. Qu'en est-il des aides aux Français ? Quelles vont être les conséquences de cette instabilité politique face aux marchés ?

Vous avez remarqué que la Bourse de Paris n'a pas réagi ?

Elle n'a pas réagi parce que nos institutions sont solides, même si beaucoup veulent les atteindre et que les marchés se disent qu'un gouvernement va être nommé, il ne faut pas qu'il soit renversé une deuxième fois parce que là, je pense qu'il peut y avoir des sanctions. Elles vont se traduire par des augmentations de taux d'intérêt de crédit. Le prêt à taux zéro, qui a été élargi, faisait partie du projet de loi de finances. Il y a des tas d'entreprises qui attendaient ça pour pouvoir relancer la construction de bâtiments, permettre à des jeunes couples de trouver un logement, du moins avoir un dossier de crédit qui passe parce que le prêt à taux zéro permet de se lancer dans un achat.

Vous avez peur que l'argent coûte plus cher pour l'Etat français quand il va emprunter sur les marchés. Craignez-vous, donc, que par répercussion, les taux d'intérêt augmentent pour les Français, pour vous, pour moi, quand on veut faire un achat immobilier ?

Oui, bien sûr. Il y a un mois et demi, on parlait de 3 200 milliards d'euros de dettes. Depuis hier, on parle de 3 300 milliards d'euros de dettes. Ce sont des dettes qu'il faut rembourser. Ensuite, c'est la perception qu'ont les prêteurs sur notre capacité de remboursement.

Comment vont réagir les investisseurs et les ménages ? Pour les commerçants que vous représentez, il s'agit d'une période extrêmement faste aujourd'hui. Ce sont les achats de Noël, période où les Français vont dans les magasins et vont acheter pour se faire plaisir. Ils vont continuer à le faire...

Oui je l'espère. C'est l'appel que je lance. Je le dis dans ce climat anxiogène, je le comprends parce qu'il y a des plans sociaux.

Il y a 1 500 licenciements dans les petites entreprises de moins de onze salariés.

Je voudrais dire aux Français, même si la période est anxiogène, faites les fêtes, ne différez pas vos projets, allez dans les commerces de proximité, allez au restaurant, ne bloquez pas tout parce que sinon on va rajouter de la crise à la crise. Mais je suis confiant parce que je sais que l'ensemble des Français et l'ensemble des entreprises sont beaucoup plus responsables que notre classe politique aujourd'hui, qui n'est que dans des boussoles d'échéances électorales les uns et les autres.

Vous appelez les Français à consommer, à se faire plaisir pour les périodes de fin d'année. Qu'est-ce que vous dites aux artisans ou aux petits chefs d'entreprise que vous représentez ?

On se relève les manches et nous sommes résilients. On est combatifs et toutes les boîtes ce matin, tous les artisans, tous les commerçants, tout le monde était au travail et il faut qu'on aille au-delà. Ne bloquons pas, n'annulons pas des commandes, avançons. Je suis très confiant sur leur capacité à ne pas se laisser abattre. On va sortir de cette situation. Je pense qu'on a des tas de moyens pour le faire. On parle aujourd'hui du départ du président de la République.

Le président de la République, Emmanuel Macron, va s'adresser aux Français à 20h. Qu'est-ce que vous attendez de lui en termes de message ?

Qu'il nomme un Premier ministre le plus rapidement possible. Si la classe politique est incapable de se supporter, de vivre ensemble, il faut qu'on aille chercher quelqu'un dans la société civile : un grand patron, quelqu'un qui a la capacité d'apaiser le pays, de le gérer. Il y a une solution qui est avancée, celle où les 577 députés, constatant leur désaccord et leur incapacité à trouver des voies de passage et d'accord, démissionnent tous.

C'est ce que vous préconisez ?

Oui, j'entends tous les jours des gens qui disent qu'il faut s'en remettre au peuple. Aujourd'hui, le sujet est à l'Assemblée nationale. Remettons-nous en au peuple ! 577 députés qui démissionnent, c'est 577 élections partielles. Si les Français envoient le même message, il faudra que chacun prenne conscience que les Français leur disent de travailler ensemble, de travailler à l'intérêt du pays.

On a l'impression que vous en avez ras-le-bol de cette crise politique permanente.

Si vous saviez ce que j'ai entendu toute l'après-midi de la part de tous les représentants des entreprises de tous les territoires français... Oui, ils en ont ras-le-bol. Pas de bosser parce qu'on est heureux quand on travaille, on veut créer du développement, on veut créer de l'emploi, on veut créer de la richesse, on a envie de ça. On aime nos métiers. Dans l'artisanat, dans le commerce, dans les professions libérales, les gens ont la passion de leur métier vissée au corps. On avait des sujets importants, dont la simplification. On croule sous les charges administratives. C'est un projet de loi qui était sur le point d'aboutir, qui sortait du Sénat. Tout ça part en pertes et profits. On a des sujets de coût du travail, le travail coûte trop cher. La différence entre le net et le brut du bulletin de salaire est un problème pour toutes les entreprises. On travaillait là-dessus. Tout ça passe en pertes et profits. Quand j'entends le Nouveau Front populaire qui dit : "On va faire une grande conférence des salaires", c'est pour demander aux entreprises de payer ce qu'elles n'ont pas ? Il faut vraiment arrêter ce cirque et puis que tout le monde se met au travail. Nous y sommes prêts, nos collaborateurs et nos salariés aussi. On demande à toute la classe politique, elle aussi, de se mettre au travail.

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