Isabelle de Silva (Autorité de la concurrence) : "Canal+ est très affaibli sur les droits sportifs"
La présidente de l'Autorité de la concurrence, Isabelle de Silva, était l'invitée de "L'interview éco", jeudi sur franceinfo, afin d'évoquer la réduction de certaines des obligations imposées au groupe Canal+.
L'Autorité de la concurrence a décidé, jeudi 22 juin, d'alléger les obligations que Canal+ doit respecter sur le cinéma et le sport. Le gendarme de la concurrence devait réviser les injonctions imposées au groupe en 2012, après le rachat du bouquet TPS et des chaînes gratuites Direct 8 et Direct Star. "Lorsque l'Autorité de la concurrence a pris sa décision en 2012, elle souhaitait préserver des espaces de concurrence, au-delà de l'acteur majeur qu'était Canal+ pour la télévision payante et permette qu'un autre acteur émerge. Le pari de 2012 est réussi", a commenté, jeudi sur franceinfo, Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence.
franceinfo : Pourquoi avoir levé ces obligations ?
Isabelle de Silva : Canal+ est toujours puissant dans certains domaines. Il reste un acteur majeur, par exemple, en ce qui concerne les droits des films français. En revanche, dans d'autres secteurs Canal+ a vu sa position affaiblie ou concurrencée par ce nouvel acteur qu'est Altice. Ce dernier développe une stratégie intégrée entre les contenus audiovisuels et son activité plus traditionnelle de fournisseur d'accès à Internet et il développe une stratégie globale de contenu intégrant même la presse pour l'offrir au consommateur final.
Canal+ a perdu beaucoup d'abonnés ces derniers mois, votre décision peut-elle l'aider ?
Ce n'est pas le but de notre décision. Nous avons pris en compte un affaiblissement relatif de Canal+ sur certains aspects. Nous avons estimé qu'on ne pouvait pas ne pas tirer les conséquences de cet affaiblissement sur les droits sportifs. Aujourd'hui Canal+ a perdu beaucoup de droits sur le sport. On a vu aussi que Canal+ était affaibli dans sa relation avec les grands studios américains. Il subit aussi la concurrence de nouveaux acteurs, comme Netflix et Amazon, qui ont des ambitions fortes dans la vidéo par abonnement. Notre décision a été guidée par une idée d'équilibre, qui est de ne pas contraindre Canal+ là où il était affaibli et de maintenir les protections là où Canal + était toujours très fort.
Diriez-vous qu'Altice-SFR est le nouveau Canal+ ?
Peut-être pas tout à fait. Peut-être que son ambition est d'être le nouveau Canal+ de demain. La certitude est qu'Altice est devenu un acteur majeur des droits sportifs, avec la Premier League qu'il avait déjà et les droits de la Ligue des Champions qu'il a acquis. Il souhaite se développer fortement dans le cinéma et dans les séries, donc cela reste à concrétiser par exemple pour les films français. Pour autant, il est d'ores et déjà un acteur majeur pour les films américains. Altice a signé un contrat très important avec un grand studio américain, NBC Universal, qui va lui apporter des contenus très attractifs.
Vous suivez de près ce match entre Vincent Bolloré qui via Vivendi contrôle Canal+ et Patrick Drahi de l'autre côté ? Cette bataille est-elle saine pour la concurrence et pour les consommateurs ?
Je crois que le bilan est positif. Lorsque l'Autorité de la concurrence a pris sa décision en 2012, elle souhaitait préserver des espaces de concurrence, au-delà de l'acteur majeur qu'était Canal+ pour la télévision payante et permette qu'un autre acteur émerge. Le pari de 2012 est réussi, puisqu'on voit maintenant un acteur majeur qui a pu émerger et se développer. Je crois que cela apporte au consommateur la possibilité de choisir entre des contenus très attractifs et cette bataille que se livrent ces deux géants de l'audiovisuel. C'est positif pour le consommateur puisqu'il pourra choisir entre des contenus variés, des séries originales d'un côté, peut-être des films qui seront produits par Altice-SFR demain, s'il devient, comme l'est aujourd'hui Canal+, un acteur majeur de la production de films.
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