"Nous avons une pénurie en main-d’œuvre, il faut rendre l'industrie plus attractive", assure la présidente de Siemens France

Alors que les Worldskills 2024 démarrent mardi à Lyon, Doris Birkhofer, la présidente de Siemens France est l'invitée éco de franceinfo lundi 9 septembre.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 9 min
Doris Birkhofer, présidente de Siemens France, le 9 septembre 2024. (RADIOFRANCE / FRANCEINFO)

Le président de la République, Emmanuel Macron, sera mardi 10 septembre au soir à Lyon pour la cérémonie d'ouverture des Worldskills, le championnat du monde des métiers. Siemens France y sera également. Cette société spécialisée dans les logiciels, les solutions pour la gestion des réseaux électriques et pour les opérateurs de transport, est forte de 6 000 personnes salariées en France, et de quatre sites industriels et de Recherche et développement.

franceinfo : Est-ce qu'une entreprise aussi connue et prestigieuse que l'Allemande Siemens, qui fait 2,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France, a du mal à recruter comme les autres ?

Doris Birkhofer, présidente de Siemens France : Tout d'abord, je suis ravie aussi d'avoir la chance de participer aux Worldskills, les Jeux olympiques des métiers. C'est absolument nécessaire que ce genre d'événement ait lieu et nous sommes très heureux que ça ait lieu en France. Il faut absolument promouvoir les métiers. Nous avons une pénurie en main-d’œuvre. C'est difficile pour l'industrie de recruter, il faut rendre l'industrie plus attractive. Et pour nous, en tant que Siemens, la formation des jeunes et l'apprentissage font vraiment partie de notre ADN, la formation des jeunes et l'apprentissage.

Quelque 60 000 emplois vacants dans l'industrie en France, ça semble incroyable. Avez-vous plus du mal à recruter ou à trouver les compétences dont vous avez besoin ?

 Siemens est, par exemple, derrière la ligne complètement automatisée de la ligne 14 du métro de Paris. Nous équipons des milliers de bâtiments avec des solutions de climatisation en détection incendie, nous équipons des centaines d'usines en France, de la Giga Factory, de la production de batteries jusqu'à la PME qui produit des baskets en Ardèche. Et pour cela, il faut deux choses : les technologies et les compétences. Sans les compétences, ça ne marche pas. Et c'est pourquoi l'apprentissage est un outil absolument nécessaire. Vous avez parlé de 60 000 emplois. 

"Si nous réussissons la réindustrialisation, on parle de 500 000 postes."

Doris Birkhofer, présidente de Siemens France

à franceinfo

Pour cela, il faut plus de gens qui s'intéressent à l'industrie, notamment chez les jeunes femmes. Il n'y a que 30% de femmes qui travaillent dans l'industrie. C'est une opportunité formidable.

Est-ce en mettant des femmes justement à la tête d'entreprises comme la vôtre, qu'on crée des vocations parmi les jeunes femmes qui sont encore sous représentées dans les filières scientifiques ?

Absolument. Il y a des opportunités formidables pour les jeunes femmes. J'ai par exemple défini comme objectif pour nos campagnes de recrutement de recruter 50% de filles, parce que ces filles sont le vivier de notre force future de collaborateurs.

Dans les recrutements, ce n'est pas le cas aujourd'hui ?

Ce n'est pas encore le cas, mais nous avons déjà, grâce à nos efforts, augmenté le pourcentage à 40%. C'est grâce à nos collaborateurs sur le terrain qui vont dans les écoles, qui encouragent aussi les jeunes femmes à s'intéresser à nos métiers. Les Worldskills, on parle de 59 métiers où les jeunes vont en compétition. On parle de la boulangerie, de la pâtisserie, mais il y a beaucoup de métiers industriels qui sont représentés et nous nous soutenons avec d'un côté du matériel et de l'autre côté, avec le temps de nos collaborateurs, nos compétiteurs. Et là, on parle des métiers comme du contrôle industriel, la fabrication additive ou les énergies renouvelables où les jeunes vont en compétition. On montre leurs compétences.

L'Éducation Nationale est partenaire de cet événement. Aujourd'hui, il n'y a pas assez de promotions de ces métiers alors qu'on sait que l'industrie, en règle générale, paye mieux que les services.

C'est très compétitif. Et il ne faut pas oublier, l'industrie, c'est en fait la réponse à plein d'enjeux que nous rencontrons aujourd'hui. C'est dans l'industrie que sont produits les médicaments dont nous avons besoin, des puces électroniques qui vont dans nos téléphones portables. Et tout ça, c'est dans l'industrie où on peut contribuer à créer toutes ces solutions dont on a besoin aussi pour la transition énergétique. Donc à nous, ensemble, de changer le regard sur l'industrie. Worldskills, on peut y aller, c'est ouvert au public, je pense que c'est important pour les parents et pour les jeunes d'y aller et de découvrir la richesse de ces métiers.

Après deux mois d'attente, un nouveau Premier ministre a été nommé la semaine dernière, Michel Barnier. On a entendu beaucoup de chefs d'entreprise demander à ce qu'il y ait une stabilité fiscale. Est-ce votre cas également ?

C'est très important d'avoir une visibilité, une stabilité, par rapport à nos maisons mères. Elles attendent aussi que les choses ne changent pas tous les jours. C'est la stabilité fiscale. Il faut continuer à soutenir les entreprises avec des programmes spécifiques pour l'apprentissage. Par exemple, il y a des aides financières. Il faut maintenir le crédit d'impôt recherche pour soutenir l'innovation, dont la France a vraiment un avantage compétitif aussi par rapport à d'autres pays. Ça, ce sont des éléments très importants que nous espérons vont être maintenus.

Avez-vous senti une sorte d'agacement de votre maison mère en Allemagne ?

On nous a posé des questions.

Est-ce qu'on vous a posé des questions sur la réforme des retraites ?

On nous pose bien sûr des questions sur comment les choses vont évoluer. Nous avons un nouveau gouvernement qui va se construire, que ces choses vont continuer à être discutées. Et nous sommes, avec les autres entreprises, à disposition pour partager notre expérience et nos attentes.

L'ancien patron de la Banque centrale européenne l'italien, Mario Draghi, a remis aujourd'hui un rapport à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen sur la compétitivité de l'Europe. Un sujet qui vous concerne évidemment. Mario Draghi dit que l'Europe décroche par rapport à la Chine et aux États-Unis. Parmi ses préconisations, il y en a une qui pourrait vous intéresser. Il demande notamment de doubler le budget de l'innovation pour le porter à 200 milliards d'euros sur sept ans. Est-ce quelque chose qui vous parle ?

C'est vrai que par rapport aux États-Unis et à la Chine, le pourcentage du PIB qui est dépensé pour l'innovation est à peu près à la moitié en Europe. Donc on a vraiment un retard à rattraper. C'est très important d'investir dans l'innovation, dans les technologies de pointe. Il faut le faire au niveau européen parce que les investissements sont intenses. Donc la collaboration entre les différents pays est primordiale. Ça commence par la création, le renforcement de l'excellence des universités, les profs pour attirer les jeunes, c'est tout un paquet qu'on doit mettre en place et ça ne peut fonctionner qu'en écosystème, entre les universités, le public et les entreprises privées ont un rôle très important à jouer là-dedans.

Il faut créer des effets de levier sur certaines choses où il faut de l'amorçage, où les choses doivent aller très rapidement. Et donc il faut trouver des mécanismes qui permettent que l'innovation puisse s'accélérer.

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