Quartiers prioritaires : "Il faut investir pour accélérer l'insertion professionnelle et l'inclusion", plaide le fondateur de Mozaik RH

Saïd Hammouche, spécialiste de l'insertion professionnelle et fondateur du groupe Mozaik est l'invité éco de franceinfo, lundi, à la veille de l'ouverture du Forum Économique des Banlieues.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7 min
Saïd Hammouche, fondateur du groupe Mozaik, le 16 septembre 2024. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

L'événement se présente comme le "Davos des banlieues". Le Forum Économique des Banlieues (FEB) est dédié à la croissance économique des 1 506 Quartiers Prioritaires de la politique de la Ville (QPV). Il se tient les 17 et 18 septembre au Conseil économique, social et environnemental (CESE) à Paris.

Saïd Hammouche, spécialiste de l'insertion professionnelle, fondateur du groupe Mozaik qui comprend notamment le cabinet de conseil Mozaik RH, assistera à l'événement, il est l'invité éco de franceinfo lundi 16 septembre. Il travaille depuis plus de dix ans sur le sujet de l'inclusion professionnelle et lutte contre la discrimination à l'embauche en raison de l'origine sociale, géographique ou ethnique.

franceinfo : au-delà de l'image, au-delà du marketing, à quoi sert concrètement ce genre d'événement ?

Saïd Hammouche : D'abord, c'est un événement pour expliquer que ce sujet, en fait, il est stratégique pour la France. C'est un sujet en fait, qui apporte plein de réponses à la lutte contre la pauvreté, à la capacité à lutter contre le chômage, à la capacité à justement valoriser le mérite. Il y a une partie de la population aujourd'hui qui est marginalisée économiquement et qui peut s'en sortir justement s'ils ont accès à un travail à compétences égales, s'ils ont accès aux mêmes outils de financement lorsqu'on est entrepreneur. Et ce sont des leviers sur lesquels il faut investir absolument pour pouvoir accélérer aussi des réussites, accélérer des dynamiques d'insertion professionnelle et d'inclusion.

C'est une partie importante de la population, 5 millions de personnes. De quoi manquent cruellement et en priorité les quartiers prioritaires de la ville : d'investissements privés ?

Ce sont des investissements, mais c'est en fait, d'une manière générale, une prise de conscience des décideurs publics et économiques sur ces questions-là et de les emmener justement à faire confiance à ces entrepreneurs, faire confiance à ces nouvelles compétences, puisque c'est aussi une jeunesse. Il y a de plus en plus de jeunes diplômés issus de ces territoires moins privilégiés. Ce sont les quartiers populaires, ce sont les banlieues, ce sont les territoires ruraux. Il y a une dynamique aujourd'hui qui n'est pas connectée avec le monde économique, parce qu'il faut avoir accès aux informations, parce que, et paradoxalement, il y a des métiers qui sont en tension et qui manquent de main d'œuvre et il faut créer ces connexions. Il faut créer ces lieux de rendez-vous pour pouvoir installer de la confiance et faire en sorte qu'il y est de plus en plus de connexions avec le monde économique.

Aziz Senni, qui est à l'origine de cet événement, dit qu'il y a des idées, mais qu'il n'y a pas assez d'argent privé pour les développer. Un manque de financement, ça fait partie des leviers qu'il faut activer aujourd'hui dans les quartiers prioritaires de la ville notamment ?

Absolument. Et puis, on le voit aujourd'hui avec les Jeux olympiques, ce sont plusieurs milliers d'euros qui ont été investis pour pouvoir faire ces Jeux. Donc il faut des prestataires. Il faut à un moment donné des fournisseurs. Et pourquoi on n'irait pas aussi chercher tous ces entrepreneurs qui ont un peu moins de réseaux que les autres, qui sont un peu moins connectés avec le monde économique et qui peuvent aussi répondre à la commande.

"Il suffit simplement d'ouvrir un peu plus l'espace des achats vers d'autres types, et pas simplement dans du copinage ou dans des habitudes classiques."

Saïd Hammouche

à franceinfo

Il y a des appels d'offres qui existent.

Il y a des appels d'offres. Encore faut-il être retenu dans le cadre de ces appels d'offres.

Mais il y a des critères qui sont objectifs pour répondre à un appel d'offres.

Je peux vous dire que, pendant des années, comme par hasard, il n'y avait pas suffisamment de femmes qui étaient retenues, comme par hasard, c'étaient toujours les gros et pas les petits. Comme par hasard, c'était toujours en métropole et pas assez en province.

Cela signifie-t-il qu'il y a des biais dans les appels d'offres ?

Il y a forcément des biais, il y a forcément des dynamiques de réseaux qui se mettent en place. Et ça, on a le sentiment que ça fait du bien à ces entreprises-là, mais en réalité, ce sont aussi des sources de dysfonctionnements profonds qui créent de la pauvreté et de la marginalisation économique.

Dans les dysfonctionnements, est-ce qu'il n'y a pas aussi l'idée que, dans les 1500 quartiers prioritaires de la ville, il faut se créer son propre job puisque personne ne vous en donne et que c'est pour ça qu'il y a beaucoup d'entrepreneurs ?

Vous avez raison, alors qu'on a réussi à faire tomber le chômage des jeunes d'une manière globale. On a un taux de chômage sur ces jeunes qui habitent les quartiers des politiques de la ville, qui reste assez élevé parce qu'on n'a pas adapté les outils, parce qu'on n'a pas suffisamment confiance en ces populations et parce qu'à un moment donné, il y a aussi des enjeux très simples qui est de dire il faut aller les rencontrer, il faut aller leur parler, il faut accéder aux informations pour pouvoir créer ce niveau de confiance qui est nécessaire aujourd'hui.

N'est-ce pas un aveu d'échec de la politique de la ville qu'aujourd'hui il y ai tellement d'entrepreneurs dans les quartiers avec moins d'1% des entrepreneurs des quartiers qui emploient plus de 50 personnes ? Ce qui montre que ce sont donc essentiellement des auto entrepreneurs.

C'est très juste. Effectivement, à partir du moment où on n'est pas recruté, on ne va pas rester dans une situation de paupérisation et on va créer son emploi, on va créer sa boîte, on va développer son propre marché. 

"Il y a beaucoup d'entrepreneurs aujourd'hui qui arrivent à percer et monter des boîtes, mais ça reste quand même moins significatif en matière de chiffre d'affaires."

Saïd Hammouche

à franceinfo

Mais ça permet de vivre, ça permet d'avoir son emploi, ça permet à un moment donné d'exister économiquement, d'exister en tant que posture sociale dans la société et c'est ça qui compte. Donc on a aujourd'hui. C'est ça qu'il faut retenir. Une population qui a envie de s'inscrire dans la dynamique de réussite, qui a envie de s'intégrer et s'intégrer économiquement.

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