Quand les politiques planchent sur le Bac philo
Mettre morale et politique dans la même phrase, depuis quelques mois, la chose pourrait presque passer pour une provocation, un chiffon rouge tant l'actualité est brûlante. Il n'est qu'à se pencher sur l'agenda de l'Assemblée nationale cette semaine.
Que font les députés ? Ils travaillent sur le projet de loi sur la moralisation de la vie politique, autrement baptisé transparence de la vie publique. Pour autant, attention, prévient le socialiste Christophe Caresche : la morale c'est un esprit, la politique c'est un but et il faut garder les pieds sur terre : "Je ne fais pas de morale, ce n'est pas le problème. Le problème c'est que dans une démocratie, il doit y avoir des garanties pour que les représentants se comportent d'une bonne façon. Parce qu'à ce moment-là, c'est le contrat même entre le peuple et ses représentants qui est mis en cause ".
Il est sans doute temps de s'en rendre compte, entre les affaires Cahuzac, Tapie, Guéant, Guérini, etc. Ou l'affaire Karachi, qui a un vrai potentiel pour faire référence aussi en matière de dérive morale. Bref, il y a largement matière à se poser des questions sur la place de la morale en politique. Et le plus complet sur le sujet; c'est le porte-parole du groupe PS à l'Assemblée, Thierry Mandon, qui livre une mini dissertation : "Historiquement, si on commence par Platon, la morale se superpose à la politique : il n'y a pas de politique sans morale et il n'y a pas de morale qui soit autre que politique. J'aurais ensuite expliqué qu'on a les pensées inverses, Machiavel, qui dit que la politique a tout à voir sauf avec la morale, puisqu'en politique il faut réussir, il ne faut pas prétendre à la morale; et puis j'aurais probablement terminé sur une synthèse que j'aurais actualisée en partant de Kant, qui essaye de réconcilier la morale et la politique à travers le comportement des dirigeants qui doit donner l'exemple. Et facilement, je serais arrivé à l'actualité, avec ses mauvais côtés : Cahuzac, l'affaire Tapie, et les tentatives de moraliser la vie publique ".
"Des dirigeants moralement exemplaires", quatre mots qui sont en passe de devenir un tube de l'éloquence politique. Si, élu, vous ne les avez pas prononcés au moins une fois, vous avez raté votre vie politique. Le patron de l'UMP, Jean-François Copé y adhère, mais un peu énervé car pour lui, en matière de morale publique, tout le monde doit faire attention : "Le principe même de toute action politique c'est d'oeuvrer au bien public et donc cela doit se faire avec une exigence morale. Ensuite, faisons attention à ne pas tout amalgamer : lorsqu'on balaye d'un revers de main la présomption d'innocence, qu'une simple allégation devient un soupçon, qu'une simple rumeur peut devenir vérité... Reconnaissons que la morale pourrait ne pas s'appliquer simplement au politique ".
Contresens
Candidats au baccalauréat, si vous avez retrouvé votre copie à travers ces quelques minutes d'antenne, tremblez ! Car d'après Patrick Ghrenassia, agrégé de philosophie, interrogé lundi par Bernard Thomasson, mêler morale et actualité politique c'était le piège à éviter : "Les scandales actuels parlent de moralisation de la finance, de moralisation de la vie politique. Or le sujet ici était l'inverse. Il s'agissait de se demander si la morale devait être politique et non pas si la politique devait être morale ".
Alors une consolation si vous êtes tombés dans le piège : vous y êtes en compagnie de la quasi-totalité de nos femmes et hommes politiques. Peut-être un signe pour votre future orientation professionnelle.
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