Réforme territoriale : le big sans le bang
La journée d’hier aura été dantesque, avec des patrons de presse régionale sur les dents, qui ont retenu les rotatives jusqu’à 21h, en attendant que le chef de l’Etat achève sa réunion avec Manuel Valls et les ministres concernés, et accouche d’une carte dessinée dans la douleur, au gré des humeurs des barons socialistes locaux. D’abord le "big": passer de 22 régions à 14, ce n’est pas rien. Mais il y a eu un sacré bras-de-fer avec les Bretons, dont le Corse qui vous parle salue la performance ce matin. Jean-Yves le Drian a prévenu le président en tête-à-tête :
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Pas question de nous marier avec les Pays de Loire, ce n’est pas la même culture, si tu nous fais ça, François, tu vas avoir les Bonnets rouges devant l’Elysée.
Les Bretons, tout au plus, accepteraient l’apport des seuls départements de Loire-Atlantique et de Mayenne. François Hollande a donc téléphoné à Jacques Auxiette, le président des Pays de Loire :
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Allô, Jacques ? Ben voilà, tu ne fusionneras pas avec la Bretagne, mais avec Poitou-Charentes.
Le scénario dont rêvait Ségolène Royal, qui ne voulait pas d’une union avec l’Aquitaine d’Alain Rousset qui ne cèdera jamais son fauteuil à la ministre de l’écologie quand elle quittera le gouvernement.
Et ça marché ?
Non. Jean-Marc Ayrault, qui avait déjà tweeté sur la nécessité d’unir Nantes à Rennes, a reçu le soutien de François Fillon pour refuser le mariage avec Poitou-Charentes. Les Pays de Loire et la Bretagne resteront donc célibataires. Et Poitou-Charentes ira avec le Centre et le Limousin. Ça hurle déjà à droite comme à gauche. L’affaire n’est pas terminée : le débat parlementaire permettra des corrections de frontières, voire des ruptures locales. Après tout, la Crimée a bien rejoint la Russie.
Les départements laissés de côté
C’est le Bang qui manque à la réforme-totem de François Hollande : ils seront maintenus, évidés de leur substance d’ici à 2020, avec des compétences réparties entre les super-régions et des intercommunalités renforcées. Impossible de les supprimer sans une révision constitutionnelle que le chef de l’Etat n’a plus les moyens d’obtenir, faute de majorité. Combien va rapporter cette réforme à mi-chemin ? Pas grand-chose, aux dires des spécialistes des collectivités locales. Quant aux élections régionales, elles sont repoussées à l’automne 2015. Vous voterez encore, le même jour, pour un conseiller général quasi fantôme, alors que la réforme Sarkozy annulée par François Hollande avait déjà mis en place le conseiller territorial. Au final, Hollande a fait du Hollande. Le millefeuille a encore de beaux jours devant lui.
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