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Une de Minute : le racisme ordinaire

Le journal Minute s'en prend à Christine Taubira et provoque l'indignation générale. 
Article rédigé par Jean-François Achilli
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
  (©)

Le titre de Minute , faut-il le rappeler –
"Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane"- nous ramène à
cette citation de Michel Audiard, auteur bien français, et qui avait de l'humour à
revendre : "Les cons, ça ose tout, et c'est à ça qu'on les
reconnaît"
. Nous faisons
face, comme à chaque fois, à l'éternel dilemme : en parler, c'est faire de
la pub à cet hebdomadaire digne des riches heures de la presse du temps de
l'occupation. Ses ventes devraient d'ailleurs augmenter ce matin, mais c'est le
prix à payer. Parce que ne rien dire, regarder ailleurs en se pinçant le nez, parler
d'autre chose, c'est faire mine d'ignorer qu'une minorité extrémiste est en
train d'occuper bruyamment et physiquement le terrain de la contestation, profitant
d'un vide du pouvoir, et de mettre à mal de façon spectaculaire le semblant de
cohésion nationale qui cimente encore notre bien beau pays. Alors, il faut être...
factuel.

Justement,
Matignon a saisi le parquet pour injures raciales.

"Nous
ne pouvons pas laisser passer cela"
, a déclaré Manuel Valls hier soir en
marge d'un débat mardi à l'Assemblée Nationale, en compagnie de la garde des
sceaux,  autour des "réponses que
la gauche doit apporter face à la montée du FN
". Le ministre de
l'intérieur souhaite empêcher la diffusion de l'hebdomadaire d'extrême droite. Minute
surfe sur les injures racistes déjà proférées à l'encontre de Christiane
Taubira, comparée à une guenon par une candidate frontiste des Ardennes, suspendue
depuis par la direction du FN. La ministre de la justice a également été
insultée lors d'un déplacement à Angers par une enfant dont les parents sont
mobilisés contre le mariage gay. Vous y ajoutez les sifflets contre François
Hollande sur les Champs-Elysées, le 11 novembre. Si Jean-Marc Ayrault ne
s'était pas adressé hier au procureur de la République de Paris, le
gouvernement aurait été accusé de mollesse.

La
classe politique se mobilise, mais à géométrie variable.

Harlem
Désir, ancien président de SOS Racisme, et actuel patron du PS, est dans son
rôle quand il réclame sur Twitter la saisie du journal. Mais à droite, les
réactions se font rares. L'UMP Eric Ciotti condamne mais met en garde la
majorité contre toute récupération politique. Quant à Marine le Pen, elle se
désolidarise et se déclare " heureuse de se faire cracher dessus chaque
semaine par Minute  ". C'est bien là 
le problème pour la présidente du Front National, qui cherche à fédérer
les partis populistes européens en vue des prochaines élections. La une
incriminée joue contre sa tentative de normalisation d'un parti que son père
avait abonné aux provocations antisémites. Marine le Pen ne peut pas aller trop
loin dans sa condamnation sans se couper d'une partie de ses électeurs.

Au
final, la France est-elle raciste ?

Le
racisme est partout. De droite et de gauche. Il avance à visage découvert et freine l'évolution de notre société.
Cela donne les ghettos de la République, des zones de pauvreté muées en zones
de non droit. Cela donne la discrimination à l'embauche et la perte d'énergies
nouvelles, celle des jeunes Français des cités issus de l'immigration. Le
phénomène est mondial, et se développe dans une Europe en crise économique.
Mais sa déclinaison hexagonale est une blessure dans cette France qui s'est
toujours targuée d'être la patrie des droits de l'homme.

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