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Black Friday : qui est Marie Nguyen, l’entrepreneuse qui propose de réparer les vêtements plutôt que d’en vendre de nouveaux ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.

Article rédigé par Bérengère Bonte
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Une annonce de remise pour le Black Friday sur la vitrine d'un magasin à Madrid, le 24 novembre 2021 (image d'illustration). (MARCOS DEL MAZO / LIGHTROCKET)

Dans ce créneau de la mode éthique, mode écoresponsable, les appels au boycott sont devenus récurrents à chaque "Black Friday". Marie Nguyen, qui a monté le site internet "We dress fair" – "On s’habille honnêtement" en français – s’y est associé plusieurs fois. Mais cette année, c'est non ! Elle se dit que cet appel au boycott des soldes XXL est "stigmatisant pour les plus défavorisés". À la place, elle propose de réparer gratuitement tous les vêtements qui ont été achetés sur le site internet ou dans leur magasin lyonnais. Le pari, évidemment, c’est qu’il y en ait très peu, étant donné que c’est censé être de la mode durable.

Marie Nguyen est vraiment une intruse dans son secteur car elle ne vient ni de la mode ni d’un univers écolo. À 30 ans, cette Bordelaise, ingénieure et chercheuse en cancérologie pendant quelques années à l’institut Curie, a grandi en ville, avec des grands-parents agriculteurs mais un papa entrepreneur comme elle – mais lui, dans l’aéronautique. En étant bénévole dans une recyclerie qu'elle comprend qu'il y a un sujet avec le textile, notamment parce que les dons de vêtements ne sont pas adaptés aux besoins des gens de la rue.

"Venez mais n'achetez pas trop de vêtements"

À 25 ans, notre ingénieure s’achète une machine à coudre et fabrique elle-même des sous-vêtements en découpant le jersey de vieux t-shirts. La première entreprise qu’elle monte est une plateforme d’échange pour récupérer des chutes textiles de l’industrie et les vendre aux créateurs de petits accessoires. C’est là qu’elle rencontre son associé avec qui elle monte "We dress fair". Aujourd’hui, ils distribuent 150 marques éco-responsables produites en France : du coton bio, des fibres naturelles sur plus de 70 % des produits, alors que les synthétiques sont majoritaires sur le marché mondial...

Réparer les vêtements des clients pour ce Black Friday plutôt que de leur en vendre des nouveaux, la proposition a quelque chose d’assez contre-intuitif. Mais c'est la logique du site et de la boutique ouverte à Lyon qui clame : "Venez mais ne nous achetez pas trop de vêtements." "On est assez schizophrènes, reconnaît Marie Nguyen, mais nous n'avons pas besoin d'autant de vêtements. Nous voulons juste revenir à un modèle plus soutenable, que chaque vêtement de la garde-robe soit porté dans l'année et, si l'on a une pièce qu'on ne met plus, on peut soit la vendre, soit la donner à un proche."

"Aujourd'hui, il y a 100 milliards de vêtements produits par an et nous sommes 8 milliards d'individus. Tous les ans, nous produisons 12 à 13 vêtements par humain et ce chiffre augmente plus vite que la démographie."

Marie Nguyen, fondatrice de "We dress fair"

à franceinfo

"We dress fair" emploie aujourd’hui 15 salariés. Le succès est tel qu’ils viennent de faire une grosse levée de fonds : Deux millions d'euros. Autant dire que, idéologiquement, ils se sont faits quelques nœuds. Marie Nguyen ne s'en cache pas mais, là aussi, elle veut renverser la logique ambiante : "Souvent, quand on fait des levées de fonds, c'est l'inverse. On essaye de financer sa croissance alors que, nous, c'était plutôt l'inverse. On s'est dit que le but est d'être rentable, ensuite d'accélérer pour permettre à plus de consommateurs d'avoir accès à cette mode responsable."

Du côté des prix, Marie Nguyen a conscience qu’elle vend un peu plus cher que les enseignes de grande distribution où les premiers t-shirts sont à 7 ou 8 €. Chez elle, ça va de 29 à 65€. Elle cite toutefois une marque un peu plus haut de gamme où la fourchette commence à 75 et monte à 135€. Et, à ce prix-là, on ne vous propose pas de réparer gratuitement quand c’est décousu.

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