Pantin rebaptisé Pantine : qui est Bertrand Kern, le maire qui veut mobiliser sur l’égalité hommes-femmes ?
Bertrand Kern et son équipe ne voulaient pas d’une carte de vœux qu’on oublie ou qu’on jette. De ce point de vue là, c’est réussi. Pour une ville de 60 000 habitants, ses vœux, en deux jours ont été vus 1,3 million de fois sur Twitter. Grâce (ou à cause) de ce petit "e" rajoutée au nom de la ville. "Pantin s'appellera pendant un an Pantine. Nous voulons qu'il y ait une prise de conscience sur cette égalité entre les femmes et les hommes qui n'est pas encore parfaite, déclare Bertrand Kern dans ses vœux. Même s'il y a eu des améliorations ces dernières années. Pour autant, les femmes restent moins payées que les hommes. Pour autant, la place de la femme dans l'espace public n'est pas toujours bien acceptée par les hommes. En 2023, Pantin s'engage résolument pour l'égalité entre les femmes et les hommes."
Cette mesure est évidemment symbolique. Les panneaux, le papier à en-tête de la mairie, tout ça ne va pas changer. Demain, sur la place de la Pointe — pour ceux qui connaissent — un "e" sera tout de même ajouté aux grandes lettres "PANTIN". Mais ça n’ira pas au-delà.
Assistant parlementaire puis député
D’où lui vient cette préoccupation pour l’égalité hommes-femmes chez un homme qui n’a pas d’ambition nationale ? Bertrand Kern est né à Belfort, à 62 ans, il est né en 1961. Sa mère Louise est une femme de caractère, mais pas particulièrement féministe. Il n’y a pas de drame dans la famille. Si l’on observe son parcours : après deux ans de droit, il est reçu à Sciences Po Aix-en-Provence. Il y découvre la politique, se fait élire délégué étudiant Unef-ID [Union nationale des étudiants de France – Indépendante et démocratique]. Après une licence en droit à Besançon, son père lui suggère de gagner sa vie. Il s’ennuie quelques mois dans une banque. Et à une conférence à la Sorbonne, avec des copains qui montent un club de jeunes pour la réélection de François Mitterrand en 1988, il tombe sous le charme de Claude Bartolone, jeune député socialiste, qui témoigne de sa fierté d’avoir voté notamment l’abolition de la peine de mort. Une semaine plus tard, Bertrand Kern devient assistant parlementaire. Dix ans plus tard, en 1998, lorsque Claude Bartolone devient ministre, lui qui est son suppléant, devient député.
Vous allez me dire, tout ça ne nous éclaire pas sur son intérêt pour l'égalité hommes-femmes. Et pourtant ! J’ai retrouvé, l’amie avec qui il vit en coloc précisément au moment où il devient député. Amie d’enfance, de Belfort. Isabelle Gouby, c'est son nom, est vraiment une amie, on le comprend, qui vit très loin de la politique. "Je pense qu'il a déjà été bien éduqué, déclare-t-elle. Moi, je sais que quand on cohabitait, on partageait toutes les tâches. Je n'ai jamais eu à me plaindre de machisme. Vraiment, c'est quelqu'un qui est attentif à la femme, aux inégalités. Il cuisine bien. Il aime ça. Il aime faire plaisir aux autres. Pour moi, ce n'est pas un homme politique normal, Bertrand." Depuis cette époque, le politique qui cuisine a été élu maire à quatre reprises. Pour l’anecdote, sa première élection en 2001, il la doit à une grosse confusion entre les listes de droite après un problème de parité hommes-femmes non respectée.
Marquer les esprits
Cette égalité hommes-femmes, cela fait un moment qu’il s’en préoccupe, s’inquiétant notamment du nombre croissant de féminicides. Il s’en préoccupe autrement que par des buzz Pantin-Pantine. Et c’est parce qu’il a le sentiment que tout le monde s’en fiche, selon lui, que surgit cette idée de vœux pour marquer les esprits. "Quand vous accueillez trois danseuses afghanes, que sans doute, vous avez sauvé, en résidence au centre national de la danse et que la ville les loge et leur propose un parcours d'insertion : on n'en parle pas, reprend Bertrand Kern. Quand on subventionne une association pour la création d'un lieu d'accueil de retrouvailles des femmes dans un café qui s'appelle 'pas si loin' dans un quartier populaire de la ville de Pantin : on n'en parle pas. Quand on finance une intervenante sociale au commissariat de police qui va permettre d'accueillir les femmes qui sont victimes de violences et qui viennent porter plainte : on n'en parle pas non plus.
"Le 'e' rajouté à Pantin a fait plus parler en 48 heures que toutes les actions concrètes que nous avons pu mener."
Bertrand Kern, maire de Pantineà franceinfo
Et on va rendre à César ce qui est à César. En l’occurrence sa directrice de la communication Astrid Desbuquois qui a eu l’idée de Pantine. Le buzz s'est répandu assez loin, jusqu’à Montréal et en Allemagne. En France, sur les réseaux sociaux, ça ricane pas mal. On s’est inquiété à Juan-les-Pins par exemple. Bon. Lui, Bertrand Kern ça l'amuse. "Sauf quand la fachosphère s’en empare", regrette-t-il, dans la foulée des critiques de Gilbert Collard et d'Eric Zemmour. Au Conseil municipal, l'opposition lui reproche de ne pas avoir fait voter cette vidéo en Conseil municipal. Il répond qu'il a montré la carte de vœux Pantine au conseil de décembre et que ça n'a pas fait réagir. Et à ceux qui lui disent qu'après quatre mandats, il pourrait passer la main à une femme. Il renvoie la balle aux Pantinois qui choisiront la prochaine fois.
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