Présidentielle au Monténégro : qui est Jakov Milatovic, le jeune banquier néophyte élu président après trois décennies du sortant ?
Le nouveau président monténégrin a 36 ans, il n'avait jamais fait de politique auparavant, et il est résolument tourné vers l'Union européenne.
Les résultats encore provisoires le créditent de 60% des suffrages ... Jakov Milatovic, élu dimanche président du Monténégro, surgit après trois décennies du sortant Milo Djukanovic qui semblait indéboulonnable. Il était arrivé aux commandes en 1991, soutenu par Slobodan Milosevic, le Serbe, au début des différentes guerres qui allaient faire voler en éclat la Yougoslavie. Djukanovic, le battu du jour, avait alors 29 ans. Il avait pris ses distances progressivement avec la Serbie au fur et à mesure qu’elle devenait infréquentable, il avait aussi obtenu l’indépendance en 2006. Mais après 32 ans au pouvoir, les accusations de corruption, de clientélisme et de liens avec le crime organisé s’étaient multipliées.
Celui qui le bat au second tour de cette présidentielle est donc cet homme neuf, beaucoup plus jeune. Milatovic a 36 ans. Il est né en 1986 à Titograd, la capitale de l’époque qui s’appelle aujourd’hui Podgorica. Né dans une famille chrétienne orthodoxe serbe, il a été baptisé dans le célèbre monastère d’Ostrog, le plus important du Monténégro pour les chrétiens orthodoxes. Né en 1986, cela signifie en tout cas qu’il n’a connu que Djukanovic au pouvoir ! Et il n’a eu de cesse de le répéter pendant toute la campagne présidentielle, avec cette voix douce et jeune là aussi : "J'avais trois ans lorsque Milo Djukanovic est entré en politique. Et nous voulons dire : trop c'est trop. Je pense que le temps est enfin venu de mettre fin à cette politique qui n'était pas bonne. Ces dernières années, cette politique nous a divisé et nous a encore appauvri. A cause d'elle, plus de 100 000 personnes ont quitté le pays sous le règne de Milo Djukanovic." Dans un pays qui en compte aujourd'hui 620 000, ce n'est évidemment pas rien.
Un jeune président résolument européen
Milatovic est économiste, libéral et surtout : européen ! Tout son parcours en témoigne. Ses études d'abord. Après un premier diplôme à l’université du Monténégro et un deuxième aux États-Unis dans l’Illinois où il avait obtenu une bourse. Il passe un semestre en Autriche à l'Université d'Economie et de Commerce de Vienne comme boursier du gouvernement autrichien, puis une année académique à l'université de Rome "La Sapienza", là c'est une bourse de l’Union européenne, avant d'enchainer avec Oxford, où il décroche une maitrise en économie comme boursier du gouvernement britannique.
Avec tout cela, il parle couramment l’anglais, et maitrise l’italien et l’espagnol. Professionnellement, là encore c'est l’Europe : il commence dans une banque slovène, NLB group, puis une allemande, la Deutsche Bank à Frankfort, puis il travaille six ans à la BERD, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. A partir de 2019, il sera même économiste principal pour les pays de l'Union européenne dont la Roumanie, la Bulgarie, la Croatie et la Slovénie. Et c'est là, qu'après la défaite des socialistes aux législatives de 2020, il fait son apparition sur la scène politique : ministre de l'économie pendant à peine plus d'un an jusqu'aux élections du printemps de l'année dernière.
Cinq ans pour faire entrer le Monténégro dans l'UE
Jusque là, Milatovic n'avait pas fait de politique. Il se fait pourtant élire sous l’étiquette de son propre parti, créé il y a un an, pour cela ! Un jeune banquier, ministre de l'économie qui crée un parti en un an avec un gros prisme européen, cela rappelle des souvenirs ici en France. Pour son premier scrutin, les élections locales - il était tête de liste – il est devancé de 16 points par les socialistes du Président Djukanovic et leurs alliés. Mais ce dimanche, il s’impose donc avec ce parti nommé, forcément, "l’Europe maintenant". Parti centriste et anti-corruption. Milatovic a fait toute sa campagne sur l'adhésion à l'UE. Il se donne cinq ans pour faire entrer le Monténégro dans l'Union. Il veut aussi renforcer les relations avec la Serbie.
Dans la constitution du Monténégro, le Président n’a certes qu’un rôle de représentation. Pourtant, dans ce pays qui enchaine les crises politiques depuis des mois et qui n’a plus vraiment de gouvernement depuis qu'il a été balayé en août de l'année dernière par une motion de censure, Jakob Milatovic a peut-être l'occasion de s'installer au cœur du pouvoir. Lui qui était vraiment un intrus dans la vie politique monténégrine il y a encore quelques mois pourrait bien voir son parti centriste remporter aussi les législatives anticipées du 11 juin puisque que le Président sortant a dissous le Parlement il y a quelques semaines.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.