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Qui est Salomé Zourabichvili, la très française présidente géorgienne qui soutient les manifestants dans son propre pays ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Article rédigé par Bérengère Bonte
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Salomé Zourabichvili, en 2022. (JOEL SAGET / AFP)

En Géorgie, la présidente n’a pas énormément de pouvoir. Si ce n’est un droit de véto, que Salomé Zourabichvili a promis d'utiliser contre un projet de loi qui déclenche la colère des pro-européens, dont elle fait partie. Le texte s’inspire d’une loi russe et impose que n’importe quel média ou ONG soit enregistré comme "agent de l’étranger", si 20% de ses ressources proviennent de l'extérieur.

Après plusieurs jours de manifestations et de répression, le parti du Premier ministre Irakli Garibachvili a finalement retiré le texte jeudi 9 mars. Pas sûr, toutefois, que cela suffise à faire taire la grogne contre ce régime qui est accusé d’être un instrument du Kremlin. 

Française de Géorgie 

Mais l’intruse de l’histoire, c’est donc cette présidente, Salomé Zourabichvili, qui n’est pas en phase avec le Premier ministre. D’autant plus intruse qu’elle est née française à Paris, en 1952 (elle a 70 ans aujourd’hui). Ses grands-parents et son père avaient fui la Géorgie au moment de l’invasion soviétique en 1921. La famille, très influente dans la diaspora géorgienne, une composée d’intellectuels, d’économistes et de politiques, très en lien avec le pouvoir en exil à Paris et à Leuville-sur-Orge, dans l'Essonne. Sa cousine s'appelle Hélène Carrère d’Encausse, l'académicienne. Salomé Zourabichvili est donc aussi cousine de ses enfants : Emmanuel Carrère, l’écrivain, et Marina Carrère d’Encausse, la journaliste et médecin.

Toute française qu’elle est, Salomé   Zourabichvili est aussi élevée dans la culture géorgienne. Elle va à l’école française mais à l’église géorgienne, où elle chante d’ailleurs dans le chœur. À Sciences Po, à Paris, elle fait tout son cursus autour du monde soviétique, avec sa cousine comme professeure. Elle est diplômée en 1972. Et après une année aux États-Unis, à l’université de Columbia, elle entre au Quai d’Orsay comme diplomate. Sa carrière l’emmène de Rome à New-York, de N'djamena au Tchad, à l’Otan … Aujourd’hui, elle parle six langues : français, anglais, italien, allemand, russe, et bien sûr géorgien.

Propulsée par la Révolution des roses 

Et si elle se retrouve à faire de la politique en Géorgie, c'est tout simplement grâce à un prêt de la France. En 2003, Jacques Chirac l’envoie comme ambassadrice à Tbilissi, et ça coïncide avec ce qu’on a appelé la révolution des Roses, qui a entraîné la démission d’ Édouard Chevardnadzé, accusé de corruption, et l'arrivée au pouvoir de Mikheil Saakachvili, dont elle est très proche.

"Elle était ambassadeur de France en Géorgie quand il y a eu la révolution des Roses, et le président de l'époque a demandé au président français, Jacques Chirac, s'il pouvait 'emprunter' son ambassadeur", rappelle sa fille, Kethevane Gorjestani . "Donc ma mère est devenue ministre des Affaires étrangères, puis elle est restée en politique, et le point final de tout cela c'est qu'elle est devenue présidente. Elle a donc dû renoncer à sa nationalité française", raconte la journaliste de France 24 sur Europe 1.  "Elle n'a plus la double nationalité, mais elle toujours très française, notamment par ses enfants." Son fils, Teymouraz Gorjestani, lui aussi diplomate, a été conseiller d’Emmanuel Macron à l’Elysée jusqu’à il y a quelques mois.  

Comme ministre des Affaires étrangères, on retiendra que c’est elle qui négocie le départ des bases militaires russes de Géorgie. Elle est élue députée en 2016, et finalement présidente en 2018. Aujourd’hui, son objectif est l’entrée dans l’Union européenne : c’est pour cela qu’elle et le parti au pouvoir, Rêve géorgien, ont été élus.

Soutien des manifestants 

Avec le projet de loi contesté et retiré jeudi 9 mars, le Premier ministre trahit ses électeurs et cherche à ruiner les chances d'adhésion, estime la présidente : "Comme vous le savez, la Géorgie ne s'est pas vue donné le statut de candidat en même temps que l'Ukraine et la Moldavie, il y a quelques mois. Mais la deuxième chance, elle est pour cette année", a rappelé Salomé Zourabichvili sur France 24. " Et à ce moment-là, en dehors de toute logique, le gouvernement et le Parlement proposent une loi directement inspirée d'une loi russe. C'est clairement une démonstration que nous allons à l'encontre de l'Europe, que nous nous éloignons de l'Europe au moment où on nous demande de montrer que nous nous en rapprochons". 

La présidente géorgienne soutient donc les manifestations dans le pays, qui ont toutes les chances de se poursuivre. Le voisin ukrainien, Volodymyr Zelenski, leur a lui aussi apporté son soutien.

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