Les singes boivent de l’alcool
Une étude montre que les singes consomment bel et bien des fruits trop mûrs, et donc contenant de l’alcool (1 à 2%). Ce qui tend à valider une vieille hypothèse, l’hypothèse du "singe ivre" : la propension des humains à consommer vient de l’affinité de nos ancêtres pour les fruits trop mûrs.
Le billet science du weekend avec Mathilde Fontez, rédactrice en chef d’Epsiloon, nous emmène sur l’Île de Barro Colorado, au Panama, ou des chercheurs ont observer des singes qui consommaient beaucoup de fruits mûrs.
franceinfo : Ces chercheurs ont découvert que les singes ont tendance à consommer de l’alcool, en ramassant les fruits trop mûrs ?
Mathilde Fontez : Oui, c’est la confirmation d’une vieille hypothèse : l’hypothèse du "singe ivre". Notre attrait pour l’alcool, à nous les humains, viendrait de loin : de nos ancêtres primates, qui se seraient mis à manger des fruits fermentés, des fruits pourris, et qui donc contiennent quelques pourcents d’éthanol. C’est cette hypothèse qui vient d’être confirmée par des observations réalisées pour la première fois sur des singes dans leur milieu naturel, dans la forêt panaméenne.
Les chercheurs américains qui ont mené l’étude ont ramassé les fruits qui restaient au sol, sur le territoire des "singes araignées", pour en déduire leur régime alimentaire. Et ils ont trouvé une consommation d’alcool. Ils ont ensuite confirmé la découverte, par des analyses d’urine.
Les singes préfèrent donc les fruits pourris ?
L’étude montre qu’ils aiment l’alcool, mais aussi le sucre. Ils aiment les cocktails. Ils laissent les fruits qui sont vraiment très fermentés, qui contiennent plusieurs pourcents d’éthanol. Et ils choisissent ceux qui sont seulement à 1 ou 2% d'éthanol, qui sont encore sucrés.
Les chercheurs ont aussi montré que ces singes ont une excellente sensibilité olfactive à l’éthanol : ils savent reconnaître l’odeur de l’alcool, et choisissent leurs fruits en fonction de ça. Et sans doute que leur métabolisme a évolué pour supporter la consommation d’alcool.
Ils ont donc évolué pour boire ?
C’est tout à fait ça. Ce sont des études génétiques qui ont montré le phénomène, en 2015, cette fois chez le chimpanzé et chez le gorille, qui sont nos plus proches cousins. Tout aurait commencé il y a 10 millions d’années. À ce moment-là, un changement climatique aurait progressivement transformé certaines forêts en prairies ; des singes arboricoles seraient descendus des arbres, et ils auraient découvert, au sol, les fruits tombés : des fruits abîmés qu’ils auraient commencés à consommer, comme complément alimentaire.
C’est comme ça qu’ils auraient, par sélection naturelle, développé une capacité à dégrader ce poison – l’alcool. A en limiter les effets psychotropes, tout en en tirant de l’énergie : on rappelle qu’1g d'éthanol contient près de deux fois plus de calories qu’1g de glucides. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui les chimpanzés, les gorilles, et l’homme sont capables de métaboliser 40 fois mieux l’alcool que les autres espèces.
En gros, si nous sommes capables de profiter d’un apéro, sans tomber de notre chaise, c’est parce que des singes, il y a longtemps, se sont mis à manger des fruits pourris.
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