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Pourquoi des orques s'en prennent à des voiliers en Espagne ?

Très inhabituelles, ces attaques de bateaux se multiplient et intriguent les scientifiques.

Article rédigé par Anne-Laure Barral
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des orques au large de l'archipel des Crozet dans l'Océan Indien. Photo d'illustration. (MARCEL MOCHET / AFP)

Qu'arrive-t-il aux orques, entre Gibraltar et le golfe de Gascogne ? Depuis cet été, ils se sont mis à attaquer plusieurs voiliers le long des côtes espagnoles et portugaises. Les gardes côtes ont dû aller remorquer plusieurs bateaux de plaisance après un SOS.

L’incident le plus impressionnant s’est produit il y a une semaine au large de La Corogne, en Galice. Le capitaine du bateau Beautiful Dreamer a expliqué que des orques étaient venus percuter quinze fois de suite sa coque, comme pour la casser. D’autres plaisanciers, cet été, ont dû se faire remorquer par les gardes-côtes puisque des orques avaient directement "croqué" un bout de leur gouvernail ou de leur quille pourtant en fibre de verre. Certains ont même été traînés pendant de longues minutes, et ont senti leur bateau se soulever avant que les épaulards ne partent. Les bateaux n'étaient pas beaucoup plus grands que les animaux eux-mêmes qui peuvent faire jusqu'à 9 mètres. Les marins sont restés assez terrifiés après cet échange musclé, revivant le film Orca plus que Sauvez Willy, et sans possibilité de rentrer au port. 

Les biologistes marins qui connaissent très bien ces orques du détroit de Gibraltar sont surpris. Ils les connaissent même par leur nom, Tino, Anna, Omega… et en dénombrent au total une cinquantaine. Les mâles peuvent vivre jusqu’à 50 ans, et les femelles 80, et avoir cinq petits. Ils restent toute leur vie en famille. En cette saison, ils remontent vers le golfe de Gascogne pour chercher du thon et en temps normal ne viennent pas si facilement que ça près des bateaux. Les scientifiques, comme Christophe Guinet, docteur en océanologie au CNRS, voudrait bien comprendre s’il s’agit d’un même groupe ou individu. 

Une enquête scientifique en cours

Pour l’instant les biologistes mènent l’enquête en regardant les dégâts sur les bateaux et en recueillant le plus de témoignages possibles. Mais ils savent que plusieurs choses posent problème aux orques  comme la pollution chimique et le manque de nourriture. Il y a une compétition avec la pêche menée par les hommes mais puisqu'ils se sont attaqués à des voiliers de plaisance, Christophe Guinet ne croit pas à un problème de ce type. Il voit surtout là un comportement de jeu un peu brutal, comme un entraînement à la chasse pour les jeunes, comme il l'a renseigné sur les orques de Crozet qui s'entraînent à s'échouer sur les plages pour attraper les lions de mer. Il précise aussi que les orques sont très cyclothymiques : ils peuvent être très amicaux un jour et bien grognons le lendemain. 

À ces hypothèses s'ajoute aussi la question du bruit. Les orques sont dans une des zones maritimes les plus bruyantes au monde avec le passage d’un tiers des bateaux de commerce. D’autres biologistes, interrogés par The Guardian estime qu'avec le déconfinement et la reprise du trafic, le bruit les dérange davantage qu'avant. Dernière hypothèse : les hommes leur manquaient. Ces animaux sont très sociaux et les touristes sont nombreux à venir les observer en temps normal. Mais les gardes-côtes insistent sur le message à adresser aux plaisanciers : mieux vaut garder ses distances.

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