Le brief éco. Loi Sapin II, la tentation américaine
Le Sénat se penche à partir de jeudi 3 novembre sur le projet de loi dit Sapin II sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique... L’objectif est de promouvoir la "bonne finance et non celle qui corrompt", tout un programme.
Qui dit loi Sapin II dit Sapin I. C’était sous le gouvernement Bérégovoy en 1993, le texte qui interdisait le financement des partis politiques par les entreprises.
Mais cette volonté de "promouvoir la bonne finance et celle qui nous corrompt" nous rappelle des souvenirs plus proches : un certain discours prononcé en janvier 2012, au Bourget, par François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, et sa célèbre tirade : "Mon adversaire, c’est le monde de la finance". On y revient donc en fin de quinquennat.
Concrètement, que prévoit le texte défendu par le ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, Michel Sapin ?
Plusieurs mesures phares, dont la création d’une AFA (Agence française anticorruption) chargée de surveiller les entreprises de plus de 500 salariés qui devront mettre en place des plans internes pour prévenir la corruption. Pas un organisme indépendant mais une structure composée de membres de Bercy et du ministère de la Justice, donc rattachée directement au pouvoir exécutif.
Le texte prévoit également la création d’un répertoire numérique pour lister tous les lobbyistes, ces groupes d’influence et de pression du secteur privé, qui approchent de trop près les élus de la République faiseurs des lois. On aura les noms des lobbyistes mais pas des décideurs rencontrés, ni le contenu de leurs entretiens… on peut faire mieux en matière de transparence.
Il y a aussi la protection des lanceurs d’alerte et le "reporting fiscal" pour connaître ce que les firmes multinationales paient comme impôts dans le pays où elles exercent. Un reporting toutefois non contraignant. La France préfère attendre que l’Europe dicte ses propres standards. Certains appellent cela botter en touche.
Mesure très contestée : la transaction pénale
Une entreprise pourra payer une amende sans plaider coupable de faits qui lui sont reprochés. C’est clairement la tentation américaine. Une entreprise qui paye une amende – aussi forte soit-elle – pour être tranquille, sans passer par la justice pénale. Cela est bien éloigné de notre si cher Esprit des Lois de Montesquieu. Une brèche ouverte dans l’état de droit qui se retrouve bien écorné. Verdict, normalement, autour du 10 novembre. Entre temps, Sapin II sera revenu à l'Assemblée nationale qui, en vertu de la règle de la navette parlementaire, a toujours le dernier mot.
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