Guerre en Ukraine : bras de fer autour des importations de céréales, qui déstabilisent l'agriculture en Europe
Tout part d’une bonne intention : un soutien franc et massif de l’Union europĂ©enne Ă l’Ukraine. Dès mai 2022, quelques semaines après le dĂ©but de la guerre, l’Europe a levĂ© les droits de douane sur les produits agricoles ukrainiens. Sauf que cette mesure a engendrĂ© des importations massives au sein de l’Union : des cĂ©rĂ©ales, de la volaille, des Ĺ“ufs ukrainiens. Â
ConsĂ©quence très concrète : les marchĂ©s agricoles ont Ă©tĂ© dĂ©stabilisĂ©s. Silos saturĂ©s dans l’est de l’Europe et prix en chute. En rĂ©ponse, mi-avril, la Pologne et quatre autres pays europĂ©ens autour de l’Ukraine (Hongrie, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie) ont bloquĂ© les importations de cĂ©rĂ©ales. Une dĂ©cision unilatĂ©rale, sans concertation, qui a crĂ©Ă© beaucoup d’émoi en Europe.Â
"Solidarité ne veut pas dire naïvité", affirme Paris
Après plusieurs mois de nĂ©gociations, la prĂ©sidence suĂ©doise de l’UE a finalement tentĂ© de mĂ©nager un peu tout le monde. Avec des dĂ©rogations locales et 100 millions d’euros d’aides aux agriculteurs de ces cinq pays. Mais cela coince encore.Â
D’un cĂ´tĂ©, la Hongrie a refusĂ© de signer cet accord, estimant ne pas avoir les garanties suffisantes pour protĂ©ger son marchĂ©. De l’autre, la France a Ă©crit un courrier, signĂ© par une quinzaine d’autres pays, dans lequel elle rĂ©itère son appel Ă la solidaritĂ© mais exige qu’il n’y ait pas de restrictions locales. Derrière ce courrier, faut-il voir une inquiĂ©tude française pour notre production agricole ? Officiellement non. La France est exportatrice et n’a pas particulièrement besoin des cĂ©rĂ©ales ukrainiennes. Mais Ă Paris, le ministère de l’Agriculture reste vigilant. Notamment parce que le commissaire europĂ©en Ă l’Agriculture, le Polonais Janusz Wojciechowski, pousse pour prolonger les restrictions. Et ce, malgrĂ© les rĂ©sistances en Europe et la colère de Kiev qui parle de "restrictions qui jouent en faveur de Poutine".Â
Tensions avec les pays de l'Est
En rĂ©alitĂ©, comme souvent dans les nĂ©gociations europĂ©ennes, les intĂ©rĂŞts nationaux pèsent lourd et les compromis ne sont pas toujours rapides. Pour l’instant, la Commission europĂ©enne, garante de la politique commerciale de l’UE, laisse faire le marchĂ© et prĂ©fère compenser les pertes. Plusieurs eurodĂ©putĂ©s contactĂ©s par franceinfo dĂ©noncent cette stratĂ©gie. Puisque le conflit s’enlise, beaucoup appellent Ă passer Ă des rĂ©ponses plus structurelles, plus pĂ©rennes. Les nĂ©gociations continuent. Â
La crainte, cĂ´tĂ© français, c’est que les tensions sur les cĂ©rĂ©ales Ă l’Est se rejouent sur la volaille chez nous. L’entourage du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, l’affirme : "SolidaritĂ© ne veut pas dire naĂŻvetĂ©", quand un ministre au Quai d’Orsay explique : "Notre gĂ©nĂ©rositĂ© ne doit pas mettre en pĂ©ril nos intĂ©rĂŞts." On n’est probablement qu’au tout dĂ©but du feuilleton des importations agricoles ukrainiennes.Â
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