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Guerre en Ukraine : bras de fer autour des importations de céréales, qui déstabilisent l'agriculture en Europe

Par solidarité avec Kiev, l’Union européenne a ouvert son marché agricole aux produits ukrainiens. Un accord qui crée des tensions.
Article rédigé par franceinfo, Jean-Rémi Baudot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Bruxelles le 9 février 2023 (NICOLAS LANDEMARD / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Tout part d’une bonne intention : un soutien franc et massif de l’Union européenne à l’Ukraine. Dès mai 2022, quelques semaines après le début de la guerre, l’Europe a levé les droits de douane sur les produits agricoles ukrainiens. Sauf que cette mesure a engendré des importations massives au sein de l’Union : des céréales, de la volaille, des œufs ukrainiens.  

Conséquence très concrète : les marchés agricoles ont été déstabilisés. Silos saturés dans l’est de l’Europe et prix en chute. En réponse, mi-avril, la Pologne et quatre autres pays européens autour de l’Ukraine (Hongrie, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie) ont bloqué les importations de céréales. Une décision unilatérale, sans concertation, qui a créé beaucoup d’émoi en Europe. 

"Solidarité ne veut pas dire naïvité", affirme Paris

Après plusieurs mois de négociations, la présidence suédoise de l’UE a finalement tenté de ménager un peu tout le monde. Avec des dérogations locales et 100 millions d’euros d’aides aux agriculteurs de ces cinq pays. Mais cela coince encore. 

D’un côté, la Hongrie a refusé de signer cet accord, estimant ne pas avoir les garanties suffisantes pour protéger son marché. De l’autre, la France a écrit un courrier, signé par une quinzaine d’autres pays, dans lequel elle réitère son appel à la solidarité mais exige qu’il n’y ait pas de restrictions locales. Derrière ce courrier, faut-il voir une inquiétude française pour notre production agricole ? Officiellement non. La France est exportatrice et n’a pas particulièrement besoin des céréales ukrainiennes. Mais à Paris, le ministère de l’Agriculture reste vigilant. Notamment parce que le commissaire européen à l’Agriculture, le Polonais Janusz Wojciechowski, pousse pour prolonger les restrictions. Et ce, malgré les résistances en Europe et la colère de Kiev qui parle de "restrictions qui jouent en faveur de Poutine". 

Tensions avec les pays de l'Est

En réalité, comme souvent dans les négociations européennes, les intérêts nationaux pèsent lourd et les compromis ne sont pas toujours rapides. Pour l’instant, la Commission européenne, garante de la politique commerciale de l’UE, laisse faire le marché et préfère compenser les pertes. Plusieurs eurodéputés contactés par franceinfo dénoncent cette stratégie. Puisque le conflit s’enlise, beaucoup appellent à passer à des réponses plus structurelles, plus pérennes. Les négociations continuent.  

La crainte, côté français, c’est que les tensions sur les céréales à l’Est se rejouent sur la volaille chez nous. L’entourage du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, l’affirme : "Solidarité ne veut pas dire naïveté", quand un ministre au Quai d’Orsay explique : "Notre générosité ne doit pas mettre en péril nos intérêts." On n’est probablement qu’au tout début du feuilleton des importations agricoles ukrainiennes. 

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