Haine en ligne : la parade d'Eric Dupond-Moretti
Le ministre de la Justice veut prendre les réseaux sociaux à leur propre jeu, en jouant sur leur statut d'hébergeur et non d'éditeur.
Depuis trois ans, le gouvernement cherche en vain la clé du problème. Une première loi contre la haine en ligne, portée par la députée Laetitia Avia, a été censurée par le Conseil constitutionnel. Depuis, à chaque fois que le débat resurgit, l’exécutif est accusé de vouloir restreindre les libertés.
Eric Dupond-Moretti pense avoir trouvé la parade : prendre les réseaux sociaux à leur propre jeu. Ces derniers tiennent particulièrement à leur statut juridique d’hébergeur, et non pas d’éditeur, comme le sont des médias comme franceinfo, par exemple. Dans le cas des médias dits "traditionnels", la loi qui s’applique est celle de 1881 sur la liberté de la presse. Elle interdit à la justice d’utiliser la comparution immédiate contre un journaliste ou contre un invité qui tient des propos à l’antenne. Et jusqu’à présent, cette même loi était utilisée pour les propos en ligne.
"Dégonfler la bulle"
Conséquence : pas de comparution immédiate non plus pour les auteurs de messages haineux. Et le temps qu’ils soient convoqués par la justice, le propos haineux continuait à se disséminer sur la toile, comme pour Samuel Paty, l’enseignant assassiné dans les Yvelines. "Nous n’avions rien pour dégonfler la bulle", résume un conseiller.
L'article 20 du projet de loi confortant les principes républicains, présenté en Conseil des ministres ce mercredi, va changer les règles du jeu, en jouant sur la différence de statut entre hébergeur ou éditeur. Concrètement, la comparution immédiate sera désormais possible… si et seulement s'il n'y a pas de responsable de la publication derrière. Donc si et seulement s'il n'y a pas d’éditeur. C’est là que le statut d’hébergeur se retourne contre les réseaux sociaux.
Collaboration fluide
"Cela nous permet de ne pas toucher à la loi de 1881 et de ne pas violer les droits de la presse", se félicite le cabinet d’Eric Dupond-Moretti. Au sein de la majorité, certains font valoir que l'exercice était d’autant plus périlleux que "le ministère de l’Intérieur s’est cassé les dents sur cette même loi".
Autre différence soulignée par les mêmes personnes : Eric Dupond-Moretti a pensé à associer sa collègue de la Culture, Roselyne Bachelot, qui a aussi en charge les médias. "Ils s’estiment et s’apprécient personnellement, souligne-t-on de part et d'autre. La collaboration est fluide."
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